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2020 ou l’équation insoluble des élections

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter : @junopappost

Un nouveau gouvernement est installé. Les promesses ont fière allure. Il y a des heureux, ceux qui sont faits chefs, catapultés dans les méandres des ministères. Il y a des déçus, ceux qui ont emprunté la voie trompeuse du pseudo-dialogue et qui se sont fait avoir.  Qu’à cela ne tienne, ce gouvernement, qui parle à l’unisson d’élections, est à la sauce PHTK. Tout pour le PHTK, Jovenel Moïse et consorts. Même pas des miettes n’ont été jetées  aux modérés qui se sont pieusement recueillis à la Nonciature apostolique, lorgnant avec avidité une quelconque part du gâteau de ce qui reste de l’État.

Le nouveau gouvernement s’apprête à activer les grands chevaux des élections. Dans les rangs de ceux qui gouvernent, il ne fait pas l’ombre d’un doute que la question des élections est essentielle en 2020. Le président de la République en parle à tout bout de champ. Il a même promis, le jour de la commémoration des droits de la femme, de favoriser l’élection exclusive de la gent féminine dans des circonscriptions qu’il va lui même choisir. Une annonce pour le moins saugrenue mais qui nous renvoie à l’absence coutumière de cohérence du PHTK : monter un gouvernement sans le respect du quota des 30 % et vouloir se racheter indûment par une hypothétique mesure de lèse-rationalité.

Les Américains en appellent, sans relâche, à la tenue des élections. Pour ceux qui observent la vie politique de ce pays depuis des décennies où nos puissants amis font et défont, financent et ordonnent, la voie menant vers les élections serait débroussaillée. Il ne manquerait que des candidats, des électeurs, des observateurs de l’OEA, de l’UE et pourquoi pas des armes à n’en plus finir dans une Haïti où les élus sont généralement ceux qui allient le mieux les armes d’assaut à l’argent sale, et non ceux qui portent des idées.

Des élections pour renouveler la Chambre des députés et deux tiers du Sénat seraient comme donner du lait à un nourrisson dans une démocratie qui vit. Mais la nôtre dépérit. La population est désabusée par l’absence de résultats. Des pans entiers du territoire national sont gangstérisés, somalisés, alors que la crise institutionnelle de la PNH n’augure rien d’apaisant dans cette conjoncture caractérisée par la flambée de l’insécurité sur fond de crimes de sang et de kidnapping. Emprunter la route du sud, celle du nord et bien d’autres est devenu le risque d’une vie. Or, les élections sont une gageure risquée sans les libertés de mouvement, de circulation. C’est à croire que nos chefs, aidés par les faucons de l’International communautaire, sont capables de miracles.

Les élections sont-elles possibles en même temps qu’on évoque la nécessité d’une nouvelle constitution par voie référendaire ? Quel CEP est appelé à les piloter ? Quels candidats, quels partis politiques pour y prendre part après que le pouvoir de Jovenel Moïse eut passé trois ans à obérer la confiance ?  Ou du moins, s’achemine-t-on vers des élections similaires à celles de 2015, donc susceptibles de favoriser le règne de l’argent sale issu du kidnapping et du trafic illicite de stupéfiants?

Cette folie de tenir des élections à tout prix en 2020 risque d’entraîner Haïti, selon toute vraisemblance, dans une guerre civile quasi-inéluctable dans la mesure où tous les camps [opposition, pouvoir et bien d’autres acteurs] fourbissent leurs armes. Personne n’en sera exempt…


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