Tue. Nov 26th, 2024

Port-au-Prince Post

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Aux funérailles de la République

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Image: HBN

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter : @junopappost

Des « militaires » des FAD’H de Jovenel Moïse et des policiers protestataires ont croisé le fer ce dimanche au Champ de Mars, en lieu et place du défilé du 1er jour gras, offrant le spectacle hideux de la fin d’un certain monde. À trop vouloir tenir maladroitement un carnaval imaginaire, traitant avec trop de légèreté la demande de formation d’un syndicat au sein de la police, le gouvernement démissionnaire de Jean Michel Lapin a précipité la République au bord de la guerre civile. Il y aurait même un mort, et les deux camps accusent des blessés. Mais les vraies blessures, plus que celles qui affligent les gladiateurs des deux camps rivaux, sont beaucoup plus profondes et parlantes.

Quand deux corps armés, à quelques encablures des restes du Palais national, s’écharpent à visage découvert au centre de Port-au-Prince, tirent dans tous les sens, l’un pour préserver l’espace réservé à un carnaval imaginaire et l’autre pour exiger légitimement des droits sociaux sous le couvert d’un syndicat, on est en plein cœur d’une République bananière dont les oripeaux ont failli à l’épreuve du temps et de l’expérience. Les masques sont tombés. Les habits de façade disparus. Feindre ne pas le reconnaître ou dire que ce ne sont que des soubresauts d’un temps politique est des plus suicidaires.

La République est mise en veilleuse. Les institutions sont à l’arrêt. Les pouvoirs publics sont plus que défaillants. L’anomie s’installe. Le non-droit étend ses tentacules. Les éclaireurs sont imaginaires. La République n’est plus à la dérive ; elle est en veilleuse. Et jamais, depuis l’ère du post-duvaliérisme, son existence n’a été autant menacée, à un point tel qu’il n’est pas alarmiste de faire un clin d’œil à la Somalie et à tout son cortège de déliquessence des institutions étatiques au profit du règne absolu du chaos.

Avec le duvaliérisme, c’était la culture du crime à n’en plus finir. Il y a eu de la corruption à toutes les échelles du pouvoir, la bidonvilisation de Port-au-Prince et le démantèlement des classes moyennes. Le duvaliérisme était l’expression la plus achevée de la jouissance sans bornes du pouvoir. Tout pour les maîtres et les suppôts du régime et rien pour le peuple. L’aristidisme, porteur d’illusions et de beaux rêves d’un lendemain qui chante, incarnation du populisme, a accouché les chimères et les bandits.

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Le prévalisme a pondu l’indifférence, la désinvolture, le sauve-qui-peut, la résignation, les politiques d’ajustements structurels (concoctéee par les tenants de l’école de Chicago). Celles-ci ont produit plus de pauvres, plus de chômeurs, donc plus d’injustice sociale dans un pays qui n’en manquait pas. Le martellisme, avatar du duvaliérisme, n’a excellé que dans l’art de la propagande, donc du paraître, du faire-semblant. Et tout le reste n’est que de la fumée : faire du fric, faire du pouvoir un bien personnel, corrompre divers secteurs du corps social et le tour est joué. « yo pa ka bare n !»

Le jovenelisme, continuité du martellisme, s’apparente déjà à l’aboutissement le plus vil de l’exercice du pouvoir politique en Haïti : mentir aux classes populaires afin de pérenniser le pouvoir et être capable de raviver les flammes de nouvelles crises dans une République mourante qui n’en a plus besoin. Qui dira halte à la dégringolade dont le début remonte à des décennies ? Qui dira assez ? Avant d’y penser, il faut semer de nouvelles graines sur les fumiers de cet État pour que de nouveaux monstres ne renaissent pas sous d’autres formes. Les vrais défis, les vrais chantiers collectifs n’attendent que des bâtisseurs capables de transcendance.

Entre-temps, la République est en suspens …


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