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Gabriel Boric, Chili et Haïti

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Par Juno Jean Baptiste

La République du Chili, l’une des plus stables en Amérique latine ces dernières années, s’est réveillée lundi avec un nouveau président élu. Gabriel Boric a remporté dimanche l’élection présidentielle. Symbole du renouveau politique dans son pays, porté par une coalition alliant sociaux-démocrates et communistes, il a battu son adversaire d’extrême-droite, José Antonio Kast.

L’élection de Gabriel Boric à la présidence de la République du Chili est doublement historique: d’abord, à 35 ans, il est le plus jeune président de l’histoire du Chili; puis, l’ex-leader étudiant est porté au pouvoir à la faveur de l’union des gauches au second tour de l’élection présidentielle

Ce millennial à la barbe épaisse a été promis à un bel avenir politique depuis les bancs de l’université. Il s’engageait, parlait de ce qui entrave la société chilienne, faisait valoir ses positions et avait des convictions chevillées au corps. Ce qu’il pensait de tel ou tel sujet concernant le destin de son pays n’était pas un secret caché dans la triste réserve des folies de grandeur.

Gabriel Boric n’est pas un néophyte en politique. C’est acteur madré, imbu des jeux de couloirs, d’alliances et des contradictions qui font et défont président dans toute démocratie. On ne peut rallier à sa cause toutes les gauches sans être un fin politicien-stratège. Élu député en 2014, il a soutenu toutes les manifestations massives de 2019-2020 et s’est engagé en faveur d’une nouvelle constitution.

C’est le couronnement d’un engagement sans faille en faveur des idées qui ont toujours été les siennes. Dans un pays devenu depuis des années le laboratoire du néolibéralisme économique, Gabriel Boric a fait des promesses de mesures sociales appelées à changer radicalement son pays, le plus riche de l’Amérique latine (en termes de PIB par habitant).

«Si le Chili a été le berceau du néolibéralisme en Amérique latine, il sera aussi son tombeau », avait déclaré Gabriel Boric lors de sa proclamation de candidature. Le bonhomme n’arrivera pas en terrain conquis. Il devrait faire des alliances, des accords, des concessions, peut-être des abdications, pour pouvoir tracer sa voie dans le marigot politique de l’un des pays les plus inégalitaires du monde. Et c’est là que toute l’expérience emmagasinée sur le macadam, dans les travées du Parlement chilien, va compter. Sa jeunesse un peu moins.

Plus que sa personne, ce sont ses idées, sa constance, l’espoir qu’il a su incarner, qui sont catapultés au pouvoir. Tout le contraire de ce que nous n’avions pas réussi en Haïti ces dernières années.

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L’expérience démocratique chilienne n’est en rien comparable à ce que nous parodions ici depuis 1986. La démocratie n’a jamais été aussi affaiblie en Haïti. Notre pays est englué dans de sempiternelles crises. Pas de président. Pas de parlement. La constitution est en veilleuse. Les élections ne sont toujours pas à l’ordre du jour.

L’expérience Boric n’est pas «reproduisible» en Haïti. Un pays sans partis politiques (sinon des coquilles vides qui ne s’agitent qu’en période électorale) qui a consacré la mort de l’idéologie depuis longtemps déjà.
On ne sait pas qui est de droite ni qui est de gauche, qui défend le choix de la grande Chine ou celui de Taïwan pour Haïti, qui est pour un nouveau rééquilibrage des relations économiques entre la République dominicaine et Haïti ou la redéfinition des rapports de coopération entre les USA et Haïti etc.

Ici, les acteurs, de tout bord, procèdent par le camouflage et attendent que les élections arrivent. On ne connaît pas leur fond de pensée sur des questions d’intérêt national. Les aventures individuelles, sans ancrage, sans soubassement, ont pignon sur rue. Des individus, et non des groupes, vendent des solutions miracles, comme si la réponse au mal haïtien aurait pu être l’affaire d’une seule personne férue de vedettariat, de bonne publicité.

Le malade Haïti n’a pas besoin d’un messie pour le sortir de la misère chronique, de la décroissance économique. On a surtout besoin d’hommes et de femmes prêts à s’oublier, à faire le sacrifice ultime – celui de s’intéresser au pouvoir non pour ses arabesques dorées mais plutôt pour mettre en œuvre sa vocation première qui est celle de changer les choses en bien –, pour le sauver.


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