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Cahier d’un retour à l’enfer natal

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Via Politico | Eric Gay/AP Photo

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter: @junopappost

Le premier vol rapatriant les migrants haïtiens a atterri ce dimanche à l’aéroport Toussaint Louverture. Selon ce que rapportent des journalistes sur place, il y a eu des femmes, des bébés parmi les rapatriés. L’administration Biden n’a pas fait dans la dentelle. Il fallait vite se débarrasser de ces déshérités du sort, les embarquer à bord des vols express, les jeter comme des kleenex dans l’Haïti appauvrie qu’ils ont tout fait pour fuir.

Depuis vendredi dernier, la presse internationale n’a cessé de faire état de plus d’une dizaine de milliers de migrants, en majorité des haïtiens, bloqué aux portes du Texas, sous un pont, dans la ville de Del Rio, qui tentaient de rallier l’Amérique. L’aventure pour la majorité d’entre eux a tourné court. Le rêve américain leur restera une lointaine illusion. Et c’est parce que l’administration Biden l’a voulu ainsi.

De Donald Trump à Joe Biden, rien n’a réellement changé dans la politique migratoire des Etats-Unis. Le contraire nous étonnerait. La rapidité avec laquelle l’Amérique s’est entreprise de botter le cul de ces migrants haïtiens n’en est pas moins révélatrice. Haïti est devenue une république paria dans la région. L’Amérique nous dit qu’elle n’a rien à y voir alors qu’elle fait et défait tout chez nous. La célérité des déportations vers un pays englué dans des crises sans issue en est la preuve.

A chaque fois que les crises s’empilent en Haïti, et parce que les horizons sont bouchés ici par un «ordre socio-politique inique» qui sert une clique de politiciens jouisseurs, des rentiers de la classe économique et dessert l’intérêt collectif, des hordes d’Haïtiens se portent candidat à un exil incertain. Souvent, ils vendent tout, risquent tout, contractent même des prêts, pour s’offrir le droit de vivre, le désir d’espérer. Cette dure réalité n’est pas indépassable. Il faudra du courage, de l’intelligence dans les choix de ceux qui nous gouvernent, de la volonté de part et d’autre, de l’humanité également pour faire en sorte que des rêves, des ambitions, des projets de vie soient possibles en Haïti.

Tant que celles et ceux qui capturent l’économie, contrôlent les politiques, ne permettent pas à l’Haïtien de Bombardolis ou celui de Mombin Crochu d’espérer, d’avoir accès à un minimum vital, tout en créant davantage de richesse, le triste spectacle des Haïtiens sous un pont à l’entrée de Texas, suivi de leur déportation à l’aéroport de Port-au-Prince ce dimanche par Washington, sera un banal fait qui risque de se répéter sous d’autres formes dans cinq ou dix ans.

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La crise haïtienne, bien qu’elle soit pluridimensionnelle, est d’abord économique. Ceux qui partent et qui sont toujours enclins à tout payer au réseaux de passeurs pour atteindre Chili, Mexique, Brésil ou USA, sont généralement les plus pauvres, ceux qui n’ont rien, les mêmes qui n’ont jamais existé en Haïti dans les plans des différents régimes qui se sont succédé au pouvoir ces dernières décennies. Ce qu’ils cherchent est une place au soleil dans un pays où la vie est possible, où la possibilité de se réaliser est réelle.

L’Amérique ne fera guère cadeaux au migrants haïtiens assoiffés des parures de l’Amérique et de ses belles opportunités. On en a vu la sombre démonstration ce dimanche. C’est ce que doivent comprendre ceux et celles qui tuent Haïti pour enfin changer leur fusil d’épaule, si encore ils ont un minimum de conscience. Il faut qu’on le leur rappelle sans cesse. Haïti mérite mieux. Et ce «mieux» n’est possible que par «nous». Aucun pays au monde n’a jamais réussi à changer le cours de l’histoire d’un autre pays pour une autre nation.


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