11 ans après, Haïti chute encore
3 min readPar Juno Jean Baptiste
Twitter: @junopappost
Un puissant séisme de magnitude 7.2 a encore frappé Haïti en son cœur le samedi 14 août, un jour pour le moins historique, marquant la cérémonie du Bois Caïman, un des préludes à l’indépendance d’Haïti en 1804. Le choc est énorme. Des centaines de morts, de blessés, de disparus, d’habitations effondrées dans le grand Sud, la région la plus touchée. Les hôpitaux régionaux sont submergés. Mais le tableau semble beaucoup plus sombre d’autant que le décompte n’est que provisoire pour le moment.
11 ans après le dévastateur séisme de janvier 2010, Haïti revient encore une fois, tristement, sous les feux de projecteurs de la presse internationale. Deux séismes en 11 ans dans vie d’un peuple n’est pas quelque chose d’anecdotique. Ça doit forcément intéresser du monde; ça doit forcément susciter les réflexions sur le destin d’un pays qui semble abonné aux malheurs.
En 11 ans et des poussières, en plus des deux séismes, Haïti a connu le choléra (importé par les casques bleus de l’ONU), les crises politiques à foison, les gouvernements non efficients, les oppositions anachroniques, des cyclones à répétition, des ouragans, des crimes financiers impunis, des massacres et beaucoup d’autres coups du sort. Il doit bien sûr y avoir quelque chose qui expliquerait cette chute sans fin de l’île parce qu’il n’y a pas une fatalité haïtienne.
Le séisme du 14 août 2021 retrouve un pays beaucoup plus malade que celui du 12 janvier 2010. En 11 ans, on n’a pas su élire les meilleurs dirigeants, prendre les meilleures décisions en matière de construction de logements, élaborer de meilleures politiques urbaines et inverser la courbe de l’histoire de notre pays. Haïti est devenue plus démunie, plus fragile. On s’est davantage entêtés à mal construire. Aucun régime, aucun chef n’a jamais su implémenter les politiques publiques nécessaires au redressement national. Haïti revit donc tout à coup, en ce mois d’août 2021, son passé au présent, avec les mêmes manquements, les mêmes vides, les mêmes insuffisances.
11 ans après, le grand Sud n’est pas en mesure de secourir le grand Sud. Tout doit venir de Port-au-Prince et d’autres bailleurs internationaux. Mais la solidarité inter-haïtienne, malgré toutes ses limites, est déjà mise en branle. Des fondations haïtiennes, des centres hospitaliers, des hordes de professionnels volontaires se sont déjà accourus au chevet des habitants en détresse dans le grand Sud. Les autorités multiplient les appels à l’aide. Des pays amis annoncent déjà leur soutien à Haïti meurtrie.
Un cycle lancinant, comme si repenser durablement le pays, le reconstruire, le remodeler, le changer de page était un horizon inatteignable et que sa chute continue était quelques chose d’irréversible…
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