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À quand le procès Jean-Bart ?

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Via Haiti Tempo

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Par Paul Junior Prudent

La Fédération internationale de football association (FIFA) vient de publier un rapport de 45 pages détaillant tout «un culte d’abus sexuels et de viols» au sein de la Fédération haïtienne de football ((FHF). Après avoir été frappé d’une lourde sanction administrative – radié de toutes activités liées au football –, l’ex-président de la FHF Yves Jean-Bart n’a toujours pas été inculpé par la justice haïtienne.

Un jour avant sa suspension, Jean-Bart s’est vanté d’être blanchi par la justice haïtienne grâce à une ordonnance de non-lieu rendu par le Parquet de la Croix-des-Bouquets pour « faute de preuves et de charges ». Cette ordonnance rendue publique un jour après l’audition de Jean-Bart par-devant la commission d’éthique de la FIFA, a été vue par certains comme une sorte de manœuvre pour essayer de manipuler l’opinion publique et pressurer la FIFA.

Les détails présentés dans ce rapport révèlent que Jean-Bart a essayé à maintes fois de repousser la date de son audition. Quoiqu’en pleine pandémie et les restrictions de voyage qui viennent avec, Jean-Bart a insisté que son audition soit effectuée en personne en Suisse en vertu de « la nature du dossier et la gravité des accusations ». Après avoir prolongé la date de l’audition à deux reprises, la commission d’enquête a procédé à une audition virtuelle.

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Il est aussi relaté, dans le rapport, que Jean Bart n’a pas respecté le délai fixé pour soumettre tous les documents nécessaires pour présenter sa défense. Malgré tout, la Chambre de jugement de la commission d’éthique a précisé que ces documents, quoique soumis en retard, ont été acceptés au cours de la procédure de jugement. Parmi ces documents, l’ordonnance de non-lieu de la justice haïtienne rendue en faveur de Jean-Bart.

Si la justice haïtienne n’a pas trouvé assez de pistes pour inculper Jean-Bart, la FIFA a pu collecter une multitude de témoignages et beaucoup de révélations de la part de nombreuses victimes et des officiels de la Fédération haïtienne de football.

Selon le rapport final de la commission d’éthique de la FIFA, 34 potentielles victimes d’abus sexuels et dix coupables ont été identifiés. Human Rights Watch, FIFPro, et un panel ad hoc hoc composé « d’avocats renommés », ont découvert qu’il existe « un réseau de coopération systématique d’abus sexuels » au ranch par des hauts fonctionnaires de la FHF dont M. Jean-Bart.

Le document révèle aussi que la Fédération Internationale des Associations des Footballeurs Professionnels (FIFPro) a pu « recueillir des preuves et établir un contact avec au moins 15 victimes et témoins » qui ont accepté de fournir leurs témoignages. Les victimes ont confirmé qu’ils ont été « abusées sexuellement non seulement par Jean-Bart, ses complices, mais aussi par d’autres dirigeants de la FHF ».

Selon plusieurs témoignages, Jean-Bart offre des cadeaux et fait du chantage à ses potentielles victimes pour les forcer à avoir des relations sexuelles avec lui. « Il m’a offert un paquet de culottes puis il m’a appelé pour me presser contre lui », confirmé l’une des victimes. Il a commencé par me toucher et quand j’ai réalisé ce qui était en train de se passer, je l’ai bousculé et je me suis enfui de la chambre. »

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Le rapport fait également mention d’une pratique utilisée par Jean-Bart pour pressurer ses victimes où il confisque leurs passeports et menace de les renvoyer du ranch si elles refusent ses avances. « M. Jean-Bart a refusé de me donner mon passeport, » a décrit une autre victime. « J’ai raté une opportunité d’aller étudier à l’étranger. Il m’a dit qu’aussi longtemps que je refuse d’avoir des relations avec lui, il ne fera rien pour moi. »

La commission de jugement de la FIFA rapporte qu’en plus des sorties nocturnes avec les joueuses de la sélection, l’ex-président de la FHF a fait avorter une mineure de 14 ans en complicité avec d’autres membres de la fédération. Des témoins ont dévoilé que Jean-Bart ainsi que d’autres hauts gradés de la FHF ne se gênaient pas à identifier ouvertement certaines joueuses du ranch comme « leurs femmes. »

Si des rumeurs de harcèlements sexuels circulaient dans les couloirs du football haïtien depuis des années, la publication de l’article du The Guardian a eu l’effet d’une boule-de-neige. Les graves révélations ont forcé la FIFA à enquêter et finalement à suspendre Jean-Bart à vie. Ce dernier a qualifié cette décision de « parodie de justice » et il a déclaré qu’il n’y a pas une « culture de viol » en Haïti et que les journalistes étrangers qui ont révélé les faits « ne comprennent rien des pratiques du pays. »

Cependant, les évidences et les faits présentés dans ce rapport d’une quarantaine de pages sont excessivement graves et paraissent suffisants pour condamner Dadou Jean-Bart administrativement. Il revient désormais à la justice haïtienne d’utiliser ces outils comme pistes pour faire la lumière sur cette affaire qui ne doit pas tomber dans le casier trou-noir libellé « l’enquête se poursuit. » Dans le cas contraire, ce serait une preuve en plus qu’Haïti est un pays où les puissants (c’est-à-dire ceux qui ont de l’argent) sont protégés malgré leurs crimes en tout genre.


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