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Un an après l’assassinat du journaliste Néhémie Joseph à Mirebalais, l’enquête est au point mort

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Par Bota Wany Joseph 

Un an après l’assassinat du journaliste Néhémie Joseph à Mirebalais, l’enquête est au point mort. Ses assassins circulent. Et ses proches, désespérés, semblent ne plus  croire à la justice.

Il s’appelait Néhémie Joseph, un journaliste d’un «petit» média de province, logé à Mirebalais. Il était inconnu de la petite aristocratie de Port-au-Prince. Mais il faisait son travail avec passion et esprit de sacrifice. Même si par moments il s’est laissé aller dans des diatribes à tout-va contre ceux qui contrôlent ce pays, ceux qui en sont les maîtres, il a su édicter dans le Plateau central la ligne d’un nouveau journalisme, celui axé sur les questionnements et les doutes, fondements mêmes du métier.

Son corps, comme celui d’autres journalistes ces dernières années, a été criblé de balles, jeté au coffre de son véhicule le 10 octobre 2019, à Bayas (Mirebalais) en plein cœur du plus long épisode “peyi lock” depuis l’arrivée de Jovenel Moïse au pouvoir. Les associations de journalistes et de médias, le ministère de la Culture et de la Communication également, ont vite condamné cet horrible assassinat et exigé, comme souvent, une enquête le plus vite que possible pour rétablir la vérité, punir les auteurs matériels et, le cas échéant, les auteurs intellectuels du crime.

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Cet assassinat a provoqué stupeur et indignation à Mirebalais. Néhémie Joseph, qui se présentait comme un journaliste militant sur sa page Facebook, était reconnu comme quelqu’un qui ne ménageait pas ses critiques contre le pouvoir PHTK et contre des personnalités politiques influentes du Plateau central. Son émission «Tambou vérité», sur la radio Panic FM, était des «plus prisées dans la région», comme le souligne pour Port-au-Prince Post le journaliste James Thomas, correspondant de radio Kiskeya dans la région.

L’affaire a fait grand bruit mais le journaliste est à jamais arraché à la vie, terriblement, comme d’autres ces dernières années. ll y a eu, depuis, deux arrestations, dont celle du présumé assassin. Le commissaire du gouvernement près du Parquet de Mirebalais d’alors, Max Faublas Romulus, avait pourtant déclaré que «l’enquête était prête à 90%». Que nenni. Son successeur au Parquet, Ellioné Saint-Fleur, a indiqué que le dossier est au cabinet d’instruction et qu’il attend désormais la décision du juge.

«Il y a eu d’ autres mandats qui sont émis mais ces personnes sont introuvables», a affirmé Ellioné Saint-Fleur, joint au téléphone par Port-au-Prince Post. Avec un système judiciaire aussi défaillant et aux ordres, et dont la lenteur n’est plus à démonter, difficile d’espérer que justice sera rendue à la famille de la victime. Même Judson Joseph, grand frère du journaliste assassiné, n’y croit plus. Ce crime, comme beaucoup d’autres, risque de rester impuni.

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«Je ne crois plus à la justice de ce pays. Si justice doit être rendue à mon frère, ce n’est pas pour maintenant. Un ancien commissaire du gouvernement a dit que l’enquête était prête à 90%. Pourquoi elle n’aboutit pas encore?», se demande Judson Joseph, soulignant au passage qu’il ne saurait «attendre justice de la part des présumés assassins». Le jeune homme a l’air résigné, lui qui rappelle que sa maman peine encore à se remettre de l’assassinat de Néhémie Joseph.

Si les proches de Néhémie se sont déjà fait à l’idée qu’un déni de justice semble se profiler à l’horizon, des groupes organisés à Mirebalais continuent à mettre la pression pour l’aboutissement de l’enquête. Le 10 octobre dernier, pour le 1er anniversaire de l’assassinat du journaliste, il y a eu une émission spéciale à radio Panic FM. «Nous sommes désespérés mais nous voulons marquer cette date», a indiqué Joseph Allan Junior, directeur général de la Radio.

Dans une publication sur sa page Facebook le 29 septembre 2019, quelques jours avant son assassinat, le journaliste avait pointé du doigt l’ancien maire Elionel Casséus qui l’aurait dénoncé auprès du sénateur Rony Célestin comme l’un des journalistes qui alimentent les mouvements de protestation  à Mirebalais. Ce n’est pas le premier journaliste assassiné ces dix dernières années depuis le règne du PHTK. Mais jamais la justice n’est parvenue à mettre sous les verrous les coupables.


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