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Le pouvoir aux plus malades : critique du ridiculisme d’État en Haïti

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Via Medium

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Par Ralph Stherson Sénat
Sociologue

L’époque où le parti national et le parti libéral voulaient, respectivement, faire valoir l’idée que le pouvoir public devait revenir au plus grand nombre ou aux plus capables est complètement révolue. Désormais, le pouvoir est aux plus malades. C’est l’ère du ridicule. Cette chronique se propose d’exposer le ridiculisme étatique et montrer en quoi la conviction politique d’avoir toujours raison est une maladie mentale extrêmement dangereuse et inquiétante.

Un éminent avocat, professeur d’université et bâtonnier, récemment assassiné a affirmé dans la matinée de son assassinat que le pays qu’il aimait et auquel il faisait don de sa personne, n’était ni dirigé, ni administré. Cette affirmation de vérité était immédiatement interprétée comme celle d’un homme naïf qui avait tort. Les administrateurs actuels du pays n’ont besoin ni de sciences, ni de scientifiques, encore moins d’analystes conjoncturels. Sans science et sans scientifiques, ils déclarent être les seuls à avoir raison. En dépit de l’évidence des propos du professeur-bâtonnier, ils l’ont criblé de balles, chez lui. Pourtant, quiconque a une idée de comment diriger et administrer un pays sait que le pays des Tèt Kale, pire que celui des Duvalier et des Lavalas, n’est ni dirigé, ni administré. C’est un gouvernement de malades mentaux. Nous sommes à l’ère du tâtonnement, de l’improvisation et du ridicule. Des fous ont pris le pouvoir.

Pour aller mentir sur une prétendue lutte contre l’insécurité des gangs, dans une localité de l’Artibonite contrôlée par des gangs, récemment, le chef suprême des fous aurait payé des gangs pour simplement avoir droit d’entrée sur le territoire. Sur place, possédé par ses habituels démons de l’incompétence et de l’arrogance creuse, il a affirmé qu’il allait envoyer une Armée de lutins pour combattre l’insécurité dans le pays. Ti Mépri et Odma, les deux puissants chefs de gangs qui occupent le territoire concerné, ont ri et ont vendu la mèche. Complètement égaré dans les univers du ridicule, le malade en chef s’était même trompé de la date du jour. Tout le monde était au quatre septembre, lui, il était déjà au cinq. Le ridicule est à son comble ! Notre président est malade et ridicule. Plus ridicule que lui, on en meurt. Lui, c’est le champion. C’est bien dommage que le ridicule ne le tuera pas. Par ailleurs, ce qui me parait être le plus inquiétant, c’est que ces malades au pouvoir pensent avoir toujours raison. Tout le monde a tort, au sujet de tout : insécurité, électricité, élection, corruption…

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Le parrain politique, prédécesseur et mentor du chef suprême des malades, avait lui aussi toujours raison. Du haut de son inculture et de sa petitesse, il insultait les femmes et méprisait ceux et celles qu’il considérait comme petits pauvres. Musicien, il s’était inventé président de la République, à un moment où des simples d’esprit et des affamés chroniques voulaient essayer un vagabond. Vagabond-président, il a hissé le vol et l’escroquerie au rang de vertu publique. Son héritier est dans sa trace. Malade mental, il pense avoir toujours raison. Pire, lui, il ne se contente pas que d’insulter et de mépriser, dans sa volonté aveugle de conduire le pays dans l’abime, il a promis de provoquer des accidents. Il a dit être décidé à mettre de côté tous ceux et toutes celles qui s’obstinaient à obstruer sa route. Son train, mené par des cancres et des corrompus, défile à l’aveuglette. Dans sa raison folle, il avance à vive allure. Le malade en chef, conducteur principal du train de la mort et de la dérive, a déjà fédéré les gangs armés. Des assassinats ciblés ont aussi débuté. Des décrets mal inspirés sont publiés. Une terreur hybride est instaurée. Vitement et surement, le pays se défait. Des haïtiens et des haïtiennes, de toute catégorie sociale et de tout âge, meurent par balles, par le feu et par la faim. C’est l’ère de l’arbitraire généralisé. L’arbitraire est en puissance.

Le malade principal a raison. Dans sa logique propre qui, d’ailleurs, ép ouse celle de quasiment tous les précédents chefs d’Etat, ou mieux les anciens malades mentaux, du pays, particulièrement son prédécesseur-parrain, la richesse facile et illicite est une vertu. En vue de cet enrichissement facile et illicite, le trésor public doit être complètement dépouillé. Les fonds Pétro-Caribe ont été un exemple probant. Un rapport de la cour des comptes et du contentieux administratif soupçonne le chef des malades lui-même comme corrompu. Sa femme aussi est soupçonnée de corruption. Ils ont tous utilisé des stratagèmes habiles pour voler l’Etat. Ils ont volé l’Etat, seul, entre amis, en clan et en famille. L’un des fils du parrain des malades au pouvoir s’est exagérément enrichi. Sans titre, sans qualité et sans compétence, il a détourné des fonds disposés à des projets sportifs dans le pays. Il a tout volé. Il est devenu riche. Sans vergogne. Le comble, c’est que son père-voleur projette de reconquérir le pouvoir pour achever la mise en sac des ressources publiques.

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Des supporteurs nationaux et internationaux de leur forfaiture, obnubilés par les rentes imméritées qu’ils bénéficient, s’acharnent à les convaincre du fait qu’ils sont les seuls à avoir raison en Haïti. Usant des millions détournés du trésor public, ils se sont dotés de médias et de « leaders d’opinion », affamés et avares, compétents uniquement qu’à parler fort. Idiots sonores, ils envahissent l’espace public pour propager le mensonge officiel et faire diversion. En fait, avec les malades actuels, le mensonge est érigé en idéologie politique. À chaque conjoncture, un mensonge est dit, une fable est racontée. Le plus emblématique mensonge a été celui de l’électrification complète et permanente du pays en 24 mois. Cela a été propagé par le moyen de décibels humains de tout acabit. Journalistes, ministres, conseillers présidentiels, parlementaires et autres quidam portant les yeux dans leurs fesses. Les simples d’esprit ont été convaincus. Du moins, jusqu’à l’expiration de l’échéance fixée par le malade en chef lui-même. Maintenant, à quelques mois de l’expiration du mandat constitutionnel le 7 février 2021, la nouvelle fable présidentielle se propose de refaire le monde, en cinq mois. Il y aura électricité 24/24. On organisera des élections. On relancera l’économie. On votera une nouvelle constitution. Il faut le comprendre, un esprit malade a sa propre logique, son propre calendrier, ses propres contextes. Tout est possible !

En somme, la plupart des malades mentaux qui ont pullulé l’histoire de l’humanité ont toujours pensé avoir raison. Leur investissement du pouvoir a toujours conduit à des barbaries inouïes. Hitler avait raison, il a exterminé des millions de semblables qui, selon lui, avaient torts d’exister. Mussolini, Staline, Pol Pot, Franco, Trujillo se sont aussi crus avoir raison. Ils ont tués des millions de co-présents qui, à leurs yeux, avaient tort. Dans notre histoire, Duvalier, père et fils, ont pensé avoir raison, ils ont transformé le pays en un cimetière silencieux. Notre président actuel, de toute évidence mentalement inapte, est convaincu d’avoir raison.

Il faut que nous soyons infiniment vigilants. Le malheur est à notre porte.


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