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Port-au-Prince Post

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Le Champ de Mars incendié, les enfants calcinés, le carnaval et nous

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Image: Michel Joseph

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Par Juno Jean Baptiste‬
‪Twitter: @junopappost ‬

‪La petite crise qui mine la PNH ‬est en passe de s’aggraver parce que les chefs de Port-au-Prince continuent à narguer la démarche des policiers. L’épreuve de force, engagée par l’Inspection générale de la PNH, risque de déboucher sur de nouvelles crises, de nouvelles plaies. Ce qui s’est passé hier dans les rues de Port-au-Prince n’en est que le reflet de quelques étincelles. Il faut éviter de souffler sur les braises.

‪Voir des policiers faire le diable à quatre dans les rues afin d’obtenir des droits qui leur sont jusqu’ici interdits est l’expression la plus funeste de l’odeur des restes cadavériques en putréfaction de l’État que des élites à courte vue, bornées, accrochées à leurs privilèges gargantuesques, s’entêtent à préserver, à réanimer, alors même que le problème est beaucoup plus profond. ‬

‪Les logorrhées furibardes d’un avocat quoique respecté par la petite nomenclature de Port-au-Prince et même les pressions de l’état-major de la police constituent un calcul irréfléchi. Que les policiers, selon les règlements de la PNH, n’aient pas le droit de se syndiquer n’est pas un argument. Avant que Rosa Parks ne refusa de céder, en 1955, sa place à un blanc dans un bus de l’Alabama raciste et esclavagiste, c’était sous le couvert de loi que la dignité et l’humanité des noirs furent longtemps piétinées en Amérique. L’histoire des droits acquis n’est pas un long fleuve tranquille.

‪Que reste-t-il encore des vestiges de cet État quand 15 enfants sont morts calcinés et que, 48 heures après, le premier parmi nous, Jovenel Moïse, est allé danser le carnaval à Jacmel après s’être fendu d’un tweet désinvolte ? Dans l’Haïti sans cœur et sans âme des PHTKistes, ces enfants n’ont même pas eu droit à une déclaration solennelle du président de la République, encore moins à une journée de deuil. ‬

‪La situation des policiers qui exigent d’être comptés par la République et la mort des enfants sans histoire tués par la gloutonnerie des rapaces haïtiennes et étrangères nous offrent la caricature de la confrontation de deux Haïti, celle d’en bas et celle d’en haut, celle qui a et celle qui n’a pas, celle qui ne peut pas faire bouillir la marmite et celle qui goinfre jusqu’à l’indigestion, celle qui crève et celle qui s’en fout, celle qui vivote et celle qui vit. Il y a longtemps que cela dure. ‬

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‪En mettant le Champ de Mars et tous ses arabesques en feu, les policiers protestataires expédient un message jusqu’aux oreilles de ceux qui contrôlent l’Haïti d’en haut: la République doit songer à leur existence et répondre à leurs insatisfactions. Ce qui est arrivé à ces 15 enfants, nos enfants, morts calcinés, sans qu’aucun service pompier ne puisse intervenir à temps, symbolise les lignes de fracture sociale et les ségrégations qui terrassent la société, sans que cela ne semble interpeller l’Haïti d’en haut. ‬

‪Dans une République normale, où le «nous» l’emporte sur le «je», difficile de tenir le pari du carnaval dans un climat peuplé d’autant de drames que de péripéties. Il serait même difficile d’imaginer des artistes accepter d’y prendre part. Mais en Haïti, parce que le nécessaire débat autour de la construction du «nous» a toujours été renvoyé aux calendes grecques, et que chaque personne est attachée à son «je», ne dites pas encore au diable le carnaval…‬

‪Ceux qui contrôlent l’Haïti d’en haut sont toujours capables de miracles proverbiaux quand des «je», leur «je», sont menacés.


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