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Merci Kobe !

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Image: Clutch Points

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter: @junojeanbaptist

Comment écrire sur Kobe Bryant, légende du basketball, dans une circonstance aussi dramatique? Ce n’est pas un exercice aimé des journalistes qui sont, par-dessus-tout, des humains bourrés de subjectivité. La mort de l’ancien enfant chéri du Staples Center qui a porté la tunique des Lakers de Los Angeles pendant 20 saisons, a provoqué une onde de choc mondiale qui dépasse le simple cadre du basketball. Mourir si jeune, à 41 ans seulement, avec sa fille Gianna – celle qui était prédestinée à marcher sur ses pas – et sept autres personnes à bord, dans un cruel accident d’hélicoptère dans un vol ordinaire qui devrait l’emmener à la Mamba Sport Academy, a plongé toute la planète basketball, et bien au-delà, dans un terrifiant cycle de lamentations et de pleurs. 

Image: Instagram Vanessa Bryant, Getty

La mort est soudaine. Tellement dur. Tellement triste. Dans le champ des choses possibles, il est difficile d’imaginer une fin aussi tragique pour une superstar qu’on aime, qu’on admire et dont on se gave inlassablement des ‘’highlights’’, depuis sa retraite en 2016. Kobe Bryant, par sa hargne, sa détermination presque féroce, voire pathologique, à dépoussiérer les records de Michael Jordan, son ‘’trashtalking’’ parfois violent mais devenu légendaire au fil des saisons, a bercé des générations entières d’adolescents. Il a fait chavirer des millions de cœurs pour la balle orange, surtout ceux qui n’ont pu découvrir les miracles de Sa Majesté qu’à travers des livres d’histoire et l’Internet. 

Kobe Bryant est un joueur générationnel. Il a dominé comme lui seul la décennie 2000/2010. Auréolé de cinq titres de champion NBA, de deux titres de MVP en finales et de deux titres olympiques avec ‘’team USA’’, Kobe Bryant était, comme Michael Jordan avant lui, une superstar planétaire qui a grandement aidé à populariser le basketball NBA sur tous les continents. L’obsession de ‘’Black Mamba’’ à dépasser ‘’His Airness’’ a dépassé le simple cadre des parquets de la NBA. Jusqu’à sa mort dimanche, il reste l’une des têtes de gondole les plus adulées en Chine, qui représente un marché juteux pour la grande ligue depuis des années. Kobe, c’est 81 points à la gueule des Raptors en 2006 dans un ordinaire match de saison régulière et 60 points pour couronner sa carrière dans une apothéose face aux Jazz d’Utah en 2016, c’est cette mentalité à s’améliorer, à se perfectionner chaque jour qui s’ouvre, ce qu’il appellera plus tard «Mamba mentality».

Image: Instagram Kobebryant

Kobe Bryant était réputé un joueur endiablé, un ‘’trashtalker’’ sans cœur, un arrogant narcissique sur les parquets au point qu’on croirait qu’il était détesté de beaucoup de salles dans la NBA et de beaucoup ‘’d’insiders’’. Il était devenu, après sa retraite en 2016, un homme apaisé, différent de celui qui détruisait ses adversaires sur les parquets. Il a fait la paix avec Shaquille O’Neal. Il est devenu un mentor pour beaucoup de jeunes joueurs, dont beaucoup sont inconsolables depuis dimanche. Il a ouvert la Mamba Sports Academy, une structure destinée à aider les athlètes à devenir meilleurs. Il s’est appliqué à étendre son empire financier. Son influence s’est même transposée dans le monde du tennis où il était devenu un conseiller pour Novak Djokovic. Et puis, depuis peu, il est ce père aimant qui ne vivait que pour ses quatre filles et qui n’hésitait pas à partager des clichés de famille sur Instagram. Kobe s’est assagi. Il est éternel. 

Kobe Bryant, c’est également cette éthique de travail hors normes, témoignage vivant de son insatiabilité de records, de victoire, de succès. II était toujours le premier à arriver à l’entraînement lors des séances de pré-saison, parfois à 4h du matin. Il était exigeant envers lui-même avant de recommander cette même exigence aux autres, notamment au mythique intérieur Dwight Howard avec qui il semblait prédestiné à partir à la conquête d’une 6e bague avant que l’expérience n’ait malheureusement tourné court en 2013. Le natif de Philadelphie incarne à lui tout seul toutes les valeurs de la beauté du travail acharné. Il s’attelait à polir son jeu comme un dératé. Il nous rappelait sans cesse que le talent, sans le travail, est voué à l’échec. Demandez à Ronaldinho. Kobe Bryant n’était pas du genre à prendre la tangente face à l’adversité. Même après le départ de Shaq des Lakers en 2004. Il carburait intensément, à plein régime, à l’idée de relever de nouveaux challenges. Il était un démon, capable de réaliser, en 2007, quatre matchs consécutifs à 50 points ou plus. 

Image: BasketSession

Comment pouvais-je détester un tel homme, presqu’un surhomme? En 2009 et 2010, je laissais mon chez moi, souvent tard la nuit, pour aller regarder des matchs avec des amis à l’hôpital la Providence des Gonaïves parce que la ville était plongée dans le noir. J’espérais tout le temps qu’il se fasse botter le cul. Loin s’en faut. Il a accumulé des chiffres de mammouth sous mes yeux mais, borné par le fanatisme, je ne l’ai jamais aimé. Il a réussi le doublé face aux enfoirés de Boston Celtics. Mon cœur avait déjà penché pour LeBron James. Et pour moi, Kobe Bryant était un animal à abattre. Souvent je suis rentré ‘’groggy’’ quand il écrasait ses adversaires que moi-même je supportais, en lieu et place de King James, en galère avec les ébénistes de Cleveland Cavaliers. Mais, dois-je l’avouer, l’héritage de Kobe est immense. Il a marqué le jeu de son empreinte à jamais. Il nous invite, nous Haïtiens, à travailler, à faire nôtre la culture de l’excellence, à ne jamais considérer le succès comme acquis, à nous remettre quotidiennement en question, à affronter les vicissitudes de la vie avec intrépidité, à mieux faire face à l’adversité avec ténacité et courage. Le ‘’Black Mamba’’ est immortel. Merci Kobe!


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