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12 janvier, sortir de la routine

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Image: Anmwe News

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Par Juno Jean Baptiste

Twitter : @junojeanbaptist

Il y a dix ans, l’apocalypse s’est fait chair en Haïti. La terre a tremblé. Depuis, chaque année, on commémore le 12 janvier. Des gens pleurent un proche ou un ami disparu à jamais. Des chefs déposent une gerbe de fleur dans un mémorial qui déshonore la mémoire de nos disparus. La mauvaise gouvernance s’est amplifiée et s’enracine davantage dans les pratiques politiques. Et, puis, plus rien. La roue tourne, comme avant 2010. De nouveaux pilleurs ont remplacé les anciens, faisant d’Haïti le pays plus pauvre parce que le plus corrompu des Amériques.

Il y a dix ans, au plus près de l’horreur et dans les jours qui l’ont suivi, on s’est mis à rêver un nouveau départ, une opportunité de construire une autre Haïti sur les ruines de l’ancienne qui a arraché en 35 secondes des centaines de milliers de gens à la vie. Le remodelage de l’ingénierie de l’Etat haïtien, producteur d’exclusion sociale et de pauvreté, n’a jamais vu le jour. Les voeux pieux sont restés chimères et illusions. Les vieilles pratiques qui ont fait du 12 janvier un jour sinistre pour Haïti se sont renforcées.

Comment sortir de la routine de la commémoration ordinaire du 12 janvier consistant à ne pleurer que nos disparus ? Comment honorer leur mémoire quand les constructions anarchiques continuent de pulluler et les chefs ne sont jusque-là pas parvenus à faire sortir de terre à Saint-Christophe un mémorial, empreint d’humanité et d’empathie, qui les réhabilite ? En 2020, si la terre se remet à valser sous nos pieds, le pays risque de connaître un sort beaucoup plus funeste (selon de nombreux scientifiques) que celui de 2010. Il est clair que ce ne sont pas nos larmes de crocodiles et les promesses fallacieuses de reconstruire autrement qui inverseront la tendance. La nature reste cette force immuable capable de faire tomber les masques, les impostures et de placer les élites haïtiennes face à leurs inconséquences et leur aveuglement, comme c’était le cas en 2010.

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Durant ces dix dernières années, en plus des milliards de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) volatilisés, les milliards de dollars du PetroCaribe ont été détournés. Les dilapidateurs se la coulent douce. Ces derniers ont même eu des pensées spéciales pour les disparus alors même que les millions de dollars qu’ils dissimuleraient dans des sociétés offshores auraient bien pu aider, en dix ans, à un meilleur aménagement du territoire. Comble de l’indécence et du cynisme ! Sacrilège !

Les indécisions des élites haïtiennes à penser Haïti collectivement, dix ans après le séisme, sont à la mesure de l’hypocrisie qui caractérise la commémoration du séisme. On pleure au cours de la journée. On invoque le Bondieu. Le lendemain, on enfile à nouveau nos vieilles habitudes suicidaires qui ont fait du 12 janvier le jour le plus long de l’histoire contemporaine haïtienne.


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