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Dégringolade de la gourde: « Pour revaloriser la gourde, il faut corriger les politiques économiques », propose Frédéric Gérald Chéry 

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Par J. Williamson Casimir

L’économiste Frédéric Gérald Chéry est de ceux qui croient que la descente aux enfers de la gourde résulte des options politiques qui ont toujours exclu la science dans leur formulation. L’auteur de Le financement de la décentralisation et du développement local en Haïti soutient que toute issue à ce qui semble être une impasse actuellement doit faire appel au savoir et aux savoir-faire du pays et à une redéfinition de la « production nationale » comprise, au dire du professeur d’économie politique à l’Université d’État d’Haïti, dans son acception la plus globale.

La gourde poursuit lentement mais sûrement son trajet vers les abysses. À chaque fois l’écart se creuse entre elle et le billet vert, tout le monde est trempé de sueur devant l’évidence de la chute. Le taux du jour donne de la poisse à quiconque jetant un œil furtif sur ce qui devient le tic-tac du trépas. Le dollar devient le Saint-Graal que recherchent les opérateurs tandis que chacun cherche à se débarrasser d’une devise sur laquelle est jeté le sort de Cassandre. Celui du démantèlement continu et agressif de la production nationale annoncé depuis au moins un siècle.

Le docteur en économie Frédéric Gérald Chéry n’en démord pas. « Des causes conjoncturelles et structurelles sont à la base de la décote de la gourde », affirme l’économiste. Au niveau conjoncturel, constate le professeur, les profits accumulés par les entreprises haïtiennes se sont convertis en dollars. Ces dernières réclament d’ailleurs le dollar dans le cadre de leurs transactions, fait-il remarquer. Pour M. Chéry, cette dégringolade est due aus si au fait que le pays importe plus qu’il n’exporte. « Nous importons des produits, du service et même des conseils. Ces biens ne s’achètent qu’en dollars », souligne-t-il.

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Au niveau structurel, les politiques budgétaires et monétaires qui se sont implantées en Haïti n’ont jamais mis en confiance les opérateurs économiques de telle sorte que leurs investissements leur rapporteraient autant que s’ils plaçaient leurs capitaux sur d’autres marchés, d’après l’auteur de Discours et décisions. « Les politiques économiques méritent d’être corrigées puisqu’elles ont toujours été mal élaborées », avance M. Chéry.

La production nationale est mal pensée en Haïti

L’économiste part du constat que tous les produits haïtiens s’écoulent à l’étranger. Le problème, aux yeux de M. Chéry, réside dans l’organisation de la production nationale. « Celle-ci  s’organise à plusieurs niveaux, c’est-à-dire des infrastructures, du savoir et des savoir-faire, des opérateurs de transformation des produits, de la logistique et de la distribution. La prise en compte de ces paliers présuppose la valorisation de la production intellectuelle. Dès lors, l’université devient le lieu à partir duquel sont conçus et développés le savoir susceptible de consolider les acquis de la production nationale à travers un inventaire des créneaux porteurs de profits pour la collectivité », explique celui qui croit que le renforcement de la monnaie passe par l’amélioration des projets existants et non par l’établissement de nouveaux.

Plus loin, Frédéric Gérald Chéry avance que la gourde pourra jouir d’un statut plus favorable si les décideurs définissent les secteurs dans lesquels elle peut être investie. « Si lesdits calculs étaient faits préalablement, de nombreux entrepreneurs éviteraient de thésauriser le dollar à l’étranger de peur de perdre leur importance sociale dans le pays, leurs positions s’étendraient davantage sur le marché et ils en seraient renforcés », suggère-t-il aux décideurs.

À la question relative à l’injection des dollars sur le marché pour limiter les dégâts causés par la décote continue de la gourde, l’économiste répond que ces mesures, quoiqu’optimistes, témoignent d’une mauvaise gestion des infrastructures de production. « Les infrastructures de production, c’est-à-dire les routes, les systèmes d’irrigation, les marchés publics, les parcs industriels, les zones de collecte et de transformation des produits sont inexistantes. Quand bien même nous les aurions, nous ne disposons ni du savoir ni du savoir-faire pour les gérer », déplore M. Chéry.

En ce qui concerne la conjoncture actuelle, le professeur dit en appeler à une réflexion nationale sur les problèmes économiques d’Haïti. « Il nous faut ensemble déterminer comment nous allons réorganiser l’économie haïtienne, mobiliser l’ensemble des groupes sociaux notamment sur une nouvelle politique de l’emploi, investir de l’argent dans le pays. Les dirigeants ne disposent toujours pas des meilleures options dans la recherche des solutions », préconise le docteur en économie.

Dans un article intitulé « Le financement de l’économie haïtienne, une approche par sections productives », publié en novembre 2014 dans la revue Rencontre du Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement (CRESFED), Frédéric Gérald Chéry identifie quatre grandes catégories d’entreprises – ce qu’il appelle les sections productives- auxquelles l’État peut accorder du crédit s’il veut relancer la production nationale. Il s’agit des entreprises infrastructurelles chargées de fournir des services nécessaires à la création et au fonctionnement des autres entreprises ; des entreprises technologiques qui s’occupent du savoir-faire ; des entreprises de transformation des matières premières et des entreprises de distribution qui s’assurent de la circulation des biens et services obtenus.


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