Bas-Limbé, entre amertume, foi et autonomie
3 min readPar Jn-Rony Monestime André, Professeur
Trois dates ont incontestablement marqué l’histoire du Bas-Limbé: 1767, 1954 et 1975. Si chacune de ces années représente un moment particulier, il n’en demeure pas moins que les trois doivent susciter un débat unique. La première (1767) lègue l’amertume, la deuxième (1954) octroie la foi et la troisième (1975) accorde l’autonomie.
1767 :
Le premier village africain de Bas-Limbé a vu le jour en 1767, sous l’ordonnance du colon français, Paul Blain (Belin) de Villeneuve, qui a obtenu de la cour royale le droit de créer sa première sucrerie. Il est assisté par d’autres colons planteurs tels que Courcival, Brouillé, Mondion, Farges et Petit-Howard qui eux s’adonnent uniquement à la culture des denrées. Monsieur Normand de Mézy, lui, y installe une compagnie de la chaux qui est devenue la plus rentable de la colonie. Donc, le village a vécu comme les autres régions du pays, l’ère troublante de l’esclavage dans une double réalité : l’enfer des noirs et le paradis des blancs. Ces noirs sont majoritairement des Kongos suivis par des Dahomey, des Igbo et des Guinéens. Ces pauvres ont enrichi de leur sang et leur sueur les familles françaises de la métropole pendant près d’un siècle. Au nom du premier village, le Bas-Limbé commémore son 253 eme anniversaire en cette année 2020.
1954 :
Jusqu’à 1954, le Bas-Limbé disposait d’une chapelle qui pouvait recevoir la visite du curé du Limbé. Dans l’intervalle, les catholiques de Petit-Howard ont dû parcourir 9 kilomètres et ceux de Normand 12 kilomètres pour se faire « communier », chanter les funérailles des proches et baptiser leurs enfants. À l’évidence, nombreuses familles Bas-Limbéénnes ont construit leurs tombeaux au Limbé; leurs actes naissances y sont aussi enregistrés. En 1954, le révérend Smith Lamour, originaire de Sainte Suzanne, fut choisi par l’évêché du Cap d’alors pour être le premier curé. Père Lamour est arrivé avec euphorie. Les religieux sont allés le rencontrer au Limbé. Les nouveaux paroissiens à pied et lui à cheval sous de sincères applaudissements. Ils ont parcouru les neuf kilomètres en chantant et en criant à chaque fois: bienvenue père Lamour, bienvenue père Lamour ! C’est dans cette atmosphère qu’est née la paroisse du Bas-Limbé et Notre-Dame du Mont Carmel est adoptée comme patronne. Le 16 juillet 1954, la jeune paroisse a eu sa première messe. À cet effet, elle fête cette année son 66 ème anniversaire.
1975 :
Des Bas-Limbéens s’engageaient à retirer leur quartier du joug du Limbé. Ils répondaient aux noms de Paul Luc Pierre, Granville Sylvain, Odilon Saint-Amour, Vermont Etienne, Therony Pierre, pour citer un nombre chiche. En 1975, leur rêve est devenu réalité. Le gouvernement dictatorial de Jean-Claude Duvalier a répondu à leur demande et a fait du quartier du Bas-Limbé la 2eme commune de l’arrondissement du Limbé. Un an après, soit en 1976, le moniteur a publié l’arrêté présidentiel qui consacre le Bas-Limbé comme commune et lui donne tous les droits accompagnateurs. Certes, il fallait attendre l’an 1987 pour que la commune élise (sans suffrage universel direct) son premier maire Joseph Amos Cherenfant, mais le Bas-Limbé jouissait depuis 1976 du statut de commune géographiquement connue. La « Commune » fête son 44 ème anniversaire cette année.
Les trois dates historiques du Bas-Limbé font de lui une région unique du nord d’Haïti. Un village qui engendre une paroisse et la paroisse accouche d’une commune. Bas-Limbé est un orgueil. Les kongos majoritaires y étaient arrivés et nous allouaient de belles pages d’histoire. Célébrons cette année la 66 eme anniversaire de la Mont-Carmel sur la terre d’accueil des KONGOS.
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