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Port-au-Prince Post

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Sauver le Conseil présidentiel et éviter au pays le scénario du pire

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter: junopappost

Ils ont voulu le pouvoir. Ils l’ont eu. Mais les groupes politiques et économiques et le CPT n’arrivent pas encore à en faire bon usage. Le premier ministre Ariel Henry a certes été contraint à la démission après qu’un tsunami de violence s’est emparé de tout Port-au-Prince fin février – ce qui a ouvert la voie à une nouvelle transition dans la transition –, mais le climat politique reste versatile.

En un mois au pouvoir, on n’attendait pas de miracle du Conseil présidentiel et les groupes signataires de l’accord du 3 avril – le premier dirige sur le papier et les seconds tirent les ficelles dans l’ombre. Au moins, on espérait du bon sens, des signaux clairs qui auguraient une tout autre forme de transition.

Oui, les grandes manœuvres pour le contrôle du pouvoir politique s’éternisent depuis un mois, alors que de l’autre côté de l’île d’Hispaniola, les Dominicains viennent de donner un second mandat au président Luis Abinader au cours d’un processus démocratique qui s’est déroulé sans accroc – un exercice qu’ils répètent comme une douce symphonie, du moins depuis plus de trente ans.

Le feu professeur Leslie François Manigat, qui accéda au pouvoir en 1988 dans des circonstances historiques sujettes à controverse, a dit une fois que ce n’est pas tant les circonstances de la prise du pouvoir qui importent, mais c’est ce qu’on en fera. Et delà découlera le verdict de l’histoire. Le Conseil présidentiel de transition, attelage brinquebalant enfanté sur les ruines de la constitution, fruit d’un consensus obtenu aux forceps sous l’obédience de la CARICOM entre les forces politiques et économiques, n’était pas censé offrir de garanties insondables. Il s’apparentait à une invention appelée à éclater en plein vol. Mais parviendra-t-il à torpiller les vraies fausses certitudes entourant sa mise en forme et prendre rendez-vous avec l’histoire?

D’aucuns se disaient que le CPT serait peut-être un moindre mal, un parapluie, un doux sédatif à nos errements collectifs. S’étaient-ils trompés de bonne foi ? Le Conseil présidentiel de transition se révélera-t-il un maquillage, une drôle de caricature incapable d’éviter au pays de nouvelles convulsions, et donner raison à ceux qui ne donnaient pas cher sa peau ? Peut-être trop tôt pour le dire.

Les conseillers présidentiels, en un mois de fonction, patinent encore. Ils peinent à choisir le premier ministre. Pis, le processus de choix n’est pas transparent. Tout procède chez le CPT par des faux pas, des approximations, des changements de pied pourtant évitables qui nourrissent les spéculations et alimentent les doutes. Personne ne sait comment on est passé d’une soixantaine de candidatures à cinq ou à trois, et quels ont été les critères définis pour y arriver.

Vendredi dernier, deux conseillers présidentiels on confirmé à Port-au-Prince Post l’annonce d’un débat public entre les cinq premiers ministrables. Ce lundi 27 mai, on a appris qu’ils se rétractent. Selon Louis Gérald Gilles qui était sur radio Kiskeya, des interviews non publics sont envisagés avec des candidats, la première perspective ayant été jetée aux orties.

Le CPT a tout à gagner dans la transparence et beaucoup à perdre, surtout en crédibilité, à laisser filer le temps alors que le pays meurt et les gangs sont toujours déchaînés. Haïti est habituée à des générations de parlementaires corrompus qui marchandent tout, oublient leur fonction, engrangent des pots de vins dans les processus de désignation de premier ministre. Que le CPT ne donne pas l’impression qu’il est un «petit Parlement» sans les parlementaires où prospèrent les combines et les coups bas. Seule la transparence peut éteindre les rumeurs, les bavardages indiscrets et éviter de coller de sombres étiquettes sur les conseillers présidentiels.

Que le Conseil présidentiel de transition tâtonne un peu, c’était prévisible. L’exercice du pouvoir recèle ses propres contraintes, sa propre pesanteur. Que le CPT affiche de telles éclipses – du genre se croire maître du temps, feindre ne pas comprendre l’urgence des temps troublés et brumeux qui s’accumulent sur Haïti, ne pas donner l’impression qu’ils connaissent leur mission –, ce n’est pas rassurant pour la suite. Ni pour les conseillers présidentiels ni pour la République.

Il faut sauver le Conseil présidentiel et éviter au pays de sombrer dans un nouveau scénario du pire.


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