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Dr Louis Marie Saintil : «Beaucoup plus d’étudiants en provenance d’Haïti vont intégrer les universités espagnoles »

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L’ambassadeur d’Haïti en Espagne, Dr Louis Marie Saintil, multiplie des initiatives en vue notamment de mettre en contact la société civile espagnole et la société civile haïtienne. En prélude au 70ème anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques avec l’Espagne, il a invité à Madrid une délégation de journalistes et de responsables de médias dans le cadre d’un programme d’échanges et de partage d’expériences autour de la «diplomatie et de la communication». L’ambassadeur est sur plusieurs fronts à la fois. Il multiplie des partenariats en vue de faciliter l’intégration des étudiants haïtiens dans les universités espagnoles. Port-au-Prince Post a rencontré à Madrid l’ambassadeur Louis Marie Saintil. Interview.

Port-au-Prince Post: Monsieur Dr Louis Marie Saintil, en quoi consiste votre travail en tant qu’Ambassadeur d’Haïti en Espagne, pays avec lequel Haïti entretient une longue histoire ?

Dr Louis Marie Saintil: Le rôle d’un ambassadeur en tant que tel consiste à implémenter la politique étrangère de son pays au pays d’accueil. De ce fait, j’ai la responsabilité, conformément à la feuille de route du Premier ministre, Ariel Henry et sur instruction du Chancelier, Son Excellence Dr. Claude Joseph, d’explorer toutes les pistes de coopération possibles entre les deux pays, notamment au niveau académique et scientifique, économique, social, culturel, politique, entre autres, devant contribuer au développement socio-économique du pays.

Port-au-Prince Post : Vous occupez cette fonction depuis mars 2020, quel est l’état des relations ibéro-haïtiennes au moment où l’on se parle ?

Dr Louis Marie Saintil : Depuis mon entrée en fonction en mars 2020 en tant que Chargé d’Affaires, puis en octobre de la même année comme Ambassadeur, mon équipe et moi tentons d’insuffler un nouvel élan aux relations entre Haïti et la Péninsule ibérique, notamment l’Espagne.

Il est à faire remarquer qu’Haïti est membre associé de l’Espace ibéro-américain depuis 2012 mais avec ce statut nous ne pouvons pas participer pleinement aux activités du Secrétariat général Ibéro-américain (SEGIB). Néanmoins, nous essayons de forger d’autres couloirs pouvant nous permettre d’en tirer le maximum de profit.

Sur le plan bilatéral, Haïti entretient des relations historiques avec l’Espagne depuis plusieurs siècles. Considérée en 2005 comme pays prioritaire pour la coopération espagnole dont les différents champs d’intervention sont l’eau et l’assainissement, l’éducation, le secteur productif, le développement rural et la lutte contre la faim, les relations se sont vues renforcées davantage à partir de 2010, atteignant une enveloppe de plus de 346 millions d’euros dans les trois années qui ont suivi le séisme. Ces relations sont régies par le Cadre de Coopération Pays signé en 2015 entre les gouvernements des deux pays.

Actuellement nous travaillons de concert avec le Royaume sur le prochain Cadre de Coopération Pays qui devrait prendre en compte les nouvelles orientations en vue de renforcer les liens qui existent entre les deux pays, notamment l’élargissement de la coopération dans d’autres domaines et dans d’autres Départements du pays.

Un facteur important à souligner dans le cadre notre coopération avec l’Espagne, il faudrait tenir compte du type de coopération développé avec les dix-neuf communautés autonomes dans le cadre de leur action extérieure. Ceci dit, nous travaillons non seulement avec le gouvernement central, mais aussi nous collaborons étroitement avec les différentes communautés qui, à leur tour, sont dotées d’une agence de coopération travaillant avec plusieurs pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe ainsi que l’Afrique du Nord.

L’ambassadeur Louis Marie Saintil lors d’une rencontre avec Meritxell Batet, présidente du Congrès espagnol

Port-au-Prince Post : On sait que vous êtes très impliqué sur le front universitaire, à quel niveau des partenariats ont été signés avec des universités espagnoles pour le bien de la jeunesse estudiantine d’Haïti ?

Dr Louis Marie Saintil : En effet, je suis de ceux qui croient que sans l’éducation, il n’y aura pas de développement. Dans cette optique, la Mission que j’ai l’honneur de diriger ne ménage aucun effort pour renforcer la coopération académique et scientifique entre Haïti et la Péninsule ibérique, notamment l’Espagne. En ce sens, nous avons déjà paraphé plus d’une dizaine d’accords avec différentes universités des communautés autonomes de l’Espagne, dont l’accord-cadre entre la CORPUHA et la CRUE, devant non seulement permettre une reconnaissance tacite du cursus universitaire haïtien, mais aussi contribuer au renforcement du capital humain haïtien.

A partir de ces protocoles d’accord, une quinzaine d’étudiants ont intégré, pour l’année académique 2021-2022, différentes universités espagnoles dans les programmes Erasmus + KA 107 et de licence et maitrise dans les domaines de leurs compétences.

Environ treize (13) accords sont en perspective de signature avec d’autres universités espagnoles, portugaises et andorranes, entre autres, parce que comme je l’ai mentionné auparavant, le but c’est de toucher tous les pays de la Péninsule ibérique, et, dans le cas particulier de l’Espagne, toutes les Communautés autonomes.

Port-au-Prince Post : À combien s’élève la communauté estudiantine en Espagne ? Dans quelles filières d’études les étudiants haïtiens sont-ils le plus représentatifs ?

Dr Louis Marie Saintil : Difficile de donner un chiffre exact en ce qui trait à la communauté estudiantine en Espagne le fait qu’ils font parfois le va et vient entre l’Espagne, la France et les autres pays de l’espace Schengen. Mais je dois vous dire que c’est une communauté en constante évolution vu les efforts consentis ces dernières années pour renforcer les liens entre les deux pays. A souligner que les filières d’études les plus représentatives sont : les sciences politiques, la spécialisation en médecine thérapeutique, l’administration, les relations internationales, l’informatique et la cybernétique, entre autres.

Avec la coopération académique et scientifique que nous avons mise sur pied, beaucoup plus d’étudiants en provenance d’Haïti vont intégrer les universités espagnoles dans les différentes filières susmentionnées et d’autres qui relèvent de leurs champs de compétence.

Port-au-Prince Post : À combien s’élève globalement la communauté haïtienne en Espagne ? Dans quel sens l’ambassade que vous dirigez travaille avec la communauté haïtienne en Espagne ?

Dr Louis Marie Saintil:  Selon les chiffres officiels publiés dans le registre municipal espagnol pour l’année 2021, la communauté haïtienne globale en Espagne s’élève approximativement à 520, dont 25% à Madrid. Il faut souligner que la communauté haïtienne est composée essentiellement de professionnels et étudiants.

La Mission travaille étroitement avec ladite Communauté que ce soit à travers des activités de promotion de la culture et du tourisme, des colloques, des conférences académiques ou autres activités les impliquant davantage dans le développement socio-économique de leur pays. Nous travaillons également sur le premier Forum de la diaspora en Europe qui va constituer un espace d’échanges et de débat sur les différents aspects de la vie nationale.

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Port-au-Prince Post :Vous organisez actuellement un programme d’échanges entre des journalistes haïtiens et des figures, des journalistes, des experts de la société civile espagnole, avec bien sûr le support du ministère des Affaires étrangères, qu’est-ce que vous cherchez à stimuler par une telle initiative ?

Dr Louis Marie Saintil : La pertinence de cette question renvoie directement à l’un des objectifs principaux que la Mission se propose de mener dans le cadre de la coopération avec le Royaume : rapprocher les sociétés civiles haïtienne et espagnole. Sur ce, cette grande première, qui n’est certainement pas la dernière, va permettre aux acteurs de non seulement s’enquérir des expériences espagnoles et vice-versa, mais aussi faciliter une meilleure compréhension de l’axe Port-au-Prince-Madrid. 

La tendance veut que la coopération reste au niveau institutionnel (Etat-Etat), mais il y a lieu de constater qu’en tissant des liens directs avec tous les acteurs, qu’ils soient de la société civile, du secteur privé ou du gouvernement central, les résultats sont probants et durables. En fait, c’est l’objectif d’une telle initiative.

Port-au-Prince Post : Quelles sont vos attentes ?

Dr Louis Marie Saintil : Le but principal de ma mission en tant qu’Ambassadeur c’est de faire de l’axe Port-au-Prince-Madrid l’un des piliers du développement socioéconomique d’Haïti. Et cette mission doit commencer par la mise en place d’une politique visant à renforcer l’éducation dans le pays.

Pour répéter Harry A. Patrinos (Banque Mondiale), Auteur de l’article intitulé « Le rôle crucial de l’éducation dans le développement économique », l’éducation est de toute évidence l’un des instruments les plus puissants pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que pour jeter les bases d’une croissance économique solide. Donc il est grand temps d’investir davantage dans ce secteur et donner aux futurs leaders d’Haïti les armes nécessaires pour lutter contre les grands défis mondiaux à venir.

Un autre objectif c’est d’attirer les capitaux espagnols en Haïti, c’est-à-dire, renforcer les rapports commerciaux entre Haïti et l’Espagne. Les deux pays ont signé en 2012 un accord de promotion et de protection réciproques des investissements. Si l’on prend en compte le niveau des investissements espagnols dans la région, il est primordial que nous renforcions le volet commercial entre les deux pays, susceptible de contribuer à la création d’emplois et à la croissance économique.

Port-au-Prince Post : Vous avez étudié en Espagne. On remarque que vous tissez d’importants liens dans la société espagnole, notamment avec la Casa America. Votre carnet d’adresse est copieux. Comment Haïti pourrait en profiter et ainsi mieux exploiter sa coopération avec l’Espagne?

Je dis toujours que sans un bon carnet d’adresse, il est difficile de se frayer un chemin dans le pays dans lequel nous sommes accrédités comme diplomates. Je suis de ceux qui croient qu’un diplomate, pour pouvoir délivrer réussir dans sa mission, doit avoir un bon carnet d’adresse. A l’heure actuelle, la communication est cruciale dans les Relations Internationales entre les États, et si nous n’avons personne avec qui communiquer et collaborer, comment allons-nous rentrer dans une dynamique de coopération effective avec un État ?

Donc il est important de tisser des liens non seulement au niveau institutionnel mais aussi au niveau de toute la société que ce soit pour partager des idées, des expériences, ou négocier des accords de coopération, en gros, explorer toutes les pistes de collaboration qui seraient bénéfiques pour le renforcement du partenariat entre les deux pays.

Port-au-Prince Post : Un dernier mot Monsieur L’ambassadeur Saintil ?

Dr Louis Marie Saintil :Je dirais finalement à tous mes compatriotes que le destin d’Haïti dépend des Haïtiens. Il y va de ce que nous ambitionnons pour le futur de notre pays. Pour arriver à surmonter les différents problèmes que nous confrontons, nous devrions investir davantage dans le capital humain et, ensemble nous pourrons construire une société plus juste et égalitaire. Je dirais : Construisons ensemble l’avenir de notre pays.

Propos recueillis par Juno Jean Baptiste

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Biographie de l’Ambassadeur

1) Diplomate de carrière
2) Licence en Relations Internationales et Diplomatie (Académie Nationale Diplomatique et Consulaire)
3) Diplôme en Etude europeenne (Ecole Diplomatique de Madrid)
4) Master en Cooperation Internationale (Universite Ponitifcale Comillas/Madrid)
5) Master en Business Administration (EAE Business School, Spain)
6) Doctorat en Sciences Politiques, Administration et Relations Internationales (Université Complutense de Madrid)


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