L’Afghanistan, les États-Unis et Haïti
3 min readPar Juno Jean Baptiste
Twitter: @junopappost
En 2017, le président Donald Trump, fraîchement arrivé à la Maison Blanche, a ouvertement affiché son racisme, sa peur de l’étranger, des migrants qu’il appelait de ses mots des «voleurs», ceux qui «vampirisent les emplois aux Américains blancs».
Monsieur Trump avait d’emblée marqué sa ligne de démarcation. Sa première principale décision a été de fermer les portes des USA à des ressortissants de plusieurs pays du Moyen Orient par le fameux «Muslim Ban». Très peu de gens ont été épargnés. Le monde était éberlué. L’ère Trump s’affichait ostensiblement.
Des milliers de citoyens, issus du Moyen Orient, détenteurs d’un visa américain, ou parfois même de la carte de résidence américaine, s’étaient retrouvés bloqués dans les différents aéroports américains (Texas, Géorgie, Floride etc).
Les images des enfants, de femmes, collés les uns aux autres comme des sardines, passant plusieurs jours dans les aéroports, ont choqué le monde, provoquant une vague d’indignation à l’échelle de toute la planète. L’Amérique, terre de la liberté, semblait alors trahir les valeurs qui ont toujours contribué à sa prospérité, à sa grandeur.
Donald Trump n’a pas fait dans les apparences. À bas les masques ! À bas le politiquement correct !
Aujourd’hui, en 2021, des dizaines de milliers de migrants, majoritairement haïtiens, ont tenté de fuir Haïti, un pays où le droit d’espérer relève de la science-fiction tant les élites ont tout gaspillé ces dernières décennies. Ces migrants ont été refoulé sans aucune forme de procès, sans ménagement, dans les ténèbres de l’enfer qu’est devenue Haïti.
Joe Biden, comme Donald Trump avant lui, a trahi les promesses de l’Amérique. Les migrants haïtiens ne fuyaient pas un pays normal. C’est un pays disloqué, embourbé dans des crises à l’issue incertaine, bloqué par les égoïsmes des acteurs haïtiens et l’inaptitude de la communauté internationale qu’ils ont voulu quitter en traversant pour la plupart les périlleuses jungles de l’Amérique du Sud jusqu’aux incertitudes de la frontière américano-mexicaine.
Un chroniqueur à Port-au-Prince Post nous dit toujours qu’il préfère les républicains aux démocrates parce qu’à ses yeux les premiers, en plus d’être pragmatiques, ne dissimulent guère leurs intentions alors que les seconds procèdent dans l’hypocrisie.
L’Afghanistan et Haïti vivent des crises profondes. Deux pays déstructurés. Deux pays où l’avenir s’écrit en pointillé. Les États-Unis accueillent ces dernières semaines et comptent encore d’accueillir des dizaines de milliers d’Afghans qui fuient leur pays tombé, 20 ans après, dans l’escarcelle des fondamentalistes Talibans, alors qu’ils repoussent les migrants haïtiens, comme si Haïti était mieux lotie que l’Afghanistan.
Le traitement infligé par les États-Unis aux Haïtiens diffère fondamentalement à celui réservé aux Afghans. Des bracelets électroniques aux pieds pour les premiers, ouverture des frontières pour les seconds. C’est notable.
Certes, ici en Haïti, il n’y pas un groupement social radical qui mène un combat idéologique dans la perspective de la prise du pouvoir. Il n’y a pas l’imposition de la «charia» qui fait de la femme objet plus que tout autre chose. Mais Haïti et Afghanistan sont logés à la même enseigne des États faillis, foncièrement corrompus, incapables de prendre soin de leurs nationaux.
Ce que l’administration Biden semble oublier ou feint d’oublier en ordonnant le “nettoyage” de la frontière américano-mexicaine.
Les images de patrouilleurs américains sur cheval, le long de la frontière américano-mexicaine, partant à la chasse des migrants haïtiens n’en finissent de révulser en Haïti. Peut-on espérer qu’on se servira un jour des ferments de cette colère pour rebâtir l’espoir en Haïti, et engager définitivement le processus de remodelage de notre pays ?
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