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Dessalines, si loin si proche

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter: @junopappost

Ce lundi 20 septembre ramène l’anniversaire de naissance du père de la nation, Jean Jacques Dessalines. C’est désormais un jour de congé en Haïti. Le feu président Jovenel Moïse, assassiné dans les conditions que l’on sait dans la nuit du 6 ou 7 juillet dernier, l’a voulu ainsi et l’a décidé via un décret présidentiel en 2020.

Ces trente cinq (35) dernières années, il y a eu un dépérissement accéléré d’Haïti. Rarement un pays n’a été autant confronté à tant de calamités. Haïti n’a peut-être pas encore atteint le niveau de désintégration de la Somalie ou du Zimbabwe. Mais toutes les conditions ont concouru à en faire un pays invivable, disloqué.

Jean Jacques Dessalines retournerait soudainement dans l’au-delà de la tombe si brusquement il revenait parmi nous. Bien avant l’épopée de 1804 et toutes ces promesses de liberté qu’elle charria, dans l’amère intensité des combats destinés à faire de l’esclave une personne à part entière, l’empereur poursuivit ardemment un idéal, envisagea un avenir en commun pour toutes et tous.

Avant 1804 et même après, il y a eu un objectif commun à atteindre, un projet collectif à réaliser, le rêve d’un pays bon pour toutes et tous à concrétiser sur les ruines fumantes des plantations coloniales. Autour de Jean Jacques Dessalines se cristallisait, se fédérait quelque chose de plus grand que les «passions tristes» (au sens de Spinoza) et les égoïsmes.

Dessalines avait en lui ce feu intérieur qui le prédestinait à la tête de la plus extraordinaire des révoltes d’esclaves de l’humanité et de la création du plus jeune État nègre du monde. Il se passionna à l’idée de construire une République altruiste, égalitaire, où se prévalent les idées de justice sociale et de dignité humaine.

Cette passion pour amorcer la construction d’un pays juste et solidaire vaudra à l’empereur la haine, la convoitise, et un peu plus tard, deux ans après la création du jeune État, l’assassinat. Ceux qui ont voulu tout avoir, c’est-à-dire le contrôle de l’État et de son économie, sans rien laisser aux nouveaux libres, l’eurent éliminé.

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L’idéal dessalinien, avec toutes ses promesses, fut tué dans l’œuf. Et depuis, jamais ici en Haïti on n’a su poser les yeux dans les yeux les questions de la répartition des richesses, de l’arpatheid socioéconomique, des gens clairs et des gens de couleurs et pourquoi les premiers sont toujours les favorisés et les seconds laissés dans les marges de la société.

Les idées incarnées par Jean Jacques Dessalines sont toujours d’actualité en 2021. Mais de nos jours, quelle structure politique ou quel groupement social les porte, en fait un projet politique révolutionnaire, se prépare non sans génie à prendre le pouvoir et ainsi paver la voie à leur implémentation ? La question est pour l’heure sans réponse.

263 ans après la naissance du père de la nation, Haïti reste un pays en perpétuelle crise, un pays qui se cherche. Dessalines est si loin, si proche. «Papa Desalín, mwen mande w padon ! Depi apre yo fin asasinen w, nou pèdi diyite nou. Desandan asasen w yo kontinye fè zak sasinay kont pwojè jistis sosyal ou a», a écrit ce lundi Pascal Adrien, coordonnateur des affaires politiques du Mouvement national pour la transparence.

Aujourd’hui plus qu’hier, en ces temps troublés, en ces temps de grandes incertitudes de toute sorte, où l’administration Biden botte le cul des milliers de migrants haïtiens qui ont voulu rallier les États-Unis, il y a un besoin urgent de faire revivre l’idéal dessalinien, de rebâtir l’espoir et de poser les jalons d’une nouvelle Haïti.


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