Les cryptomonnaies ou l’avenir de la monnaie
6 min readClaude Junior Charles, avocat.
Maître en droit – droit des affaires
Les récentes variations à la hausse du roi des cryptomonnaies, bitcoin, dont la valeur boursière a atteint au moins 57 000,00 USD en date du 21 mars 2021[1] traduisent ce que le patron de Microsoft, Bill Gates, qualifie de tour de force technologique[2]. Ce nouvel usage numérique continue de remettre en question le système monétaire et financier traditionnel tant au niveau national qu’international. D’ailleurs, il a été créé, à la suite de la crise financière de 2008[3], dans l’objectif de rompre le lien de confiance avec les institutions d’état qui jouent le rôle d’autorité centrale de contrôle des transactions financières[4].
Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que les nouveaux usages du numérique rendent les transactions commerciales de plus en plus virtuelles. D’autant plus que pour leurs adeptes, les cryptomonnaies sont considérées comme l’avenir de la monnaie[5]. D’autres prétextant le contraire en considérant qu’elles représentent un danger pour la société[6]. Sur ces entrefaites, ce billet a pour objectif de traiter sommairement de la notion de cryptomonnaie et ses caractéristiques.
Quid des cryptomonnaies ?
Le lauréat du Prix Nobel d’économie de 1976, Milton Friedman, lors d’une entrevue accordée en 1999, avait prédit qu’internet serait à l’origine d’une révolution qui permettra de transférer des fonds de A à B sans que A connaisse B ou que B connaisse A[7]. Nul doute que les cryptomonnaies sont l’objet de cette prédiction étant donné qu’il s’agit d’une innovation technologique qui permet d’effectuer des paiements entre pairs de manière décentralisée sans passer par un intermédiaire financier traditionnel[8]. Cela dit, la cryptomonnaie est définie comme « une monnaie virtuelle utilisée pour des échanges de biens ou de services, de pair à pair, généralement de manière indépendante du système bancaire ou de toute politique monétaire, et dont l’émission et les transactions reposent sur la technologie des chaînes de blocs »[9]. Ces dernières, communément appelées Blockchain, sont la technologie derrière cette monnaie cryptographique. Elles se définissent comme « une technologie de stockage numérique et de transmission à coût minime, décentralisée et totalement sécurisée »[10] ou encore comme un grand livre comptable qui retrace toutes les transactions financières d’une institution depuis sa constitution. Pour sa part, le Bitcoin est un système de transaction électronique qui fonctionne sur le principe de cette technologie de stockage[11]. Bien entendu, le Bitcoin avec le « B » majuscule désigne la structure technologique qui permet les transactions, alors que le bitcoin avec le « b » minuscule concerne l’unité qui a une valeur monétaire. Bien que ces deux technologies prêtent souvent à confusion, il faut retenir que le Bitcoin repose sur une valeur monétaire, tandis que la chaîne de blocs, qui offre des possibilités plus larges, lui sert de base de données pour le stockage et le transfert des valeurs en toute sécurité[12].
LIRE AUSSI: Finance et technologie : entre idées, chantiers et espoir pour Haïti
Les caractéristiques
Les cryptomonnaies doivent toute leur noblesse à la technologie de la chaîne de blocs, car elle représente le registre dans lequel toutes les transactions effectuées sans distinction sont relatées. Mieux encore, elle fournit aux cryptomonnaies ses caractéristiques de décentralisation, de sécurité, de transparence et d’immutabilité.
Comme relaté préalablement, les caractéristiques de la chaîne de blocs constituent sa force ou celle des cryptomonnaies. D’abord, les transactions financières en cryptomonnaies sont effectuées sur une technologie décentralisée ne dépendant d’aucune autorité centrale de contrôle. Elle a vu le jour à un moment où les consommateurs, victimes de la faiblesse des institutions financières centralisées lors de la crise financière de 2008, sont à la recherche d’un système qu’ils peuvent faire confiance, la chaîne de blocs. Ensuite, la décentralisation de cette technologie procure sécurité parce que le réseau est conçu au moyen de nœuds éparpillés à travers le monde[13], ces derniers étant tous les ordinateurs situés dans tout le globe et connectés audit réseau. De plus, en parlant de la sécurité offerte par cette technologie, il faut souligner qu’elle n’est régie ni par des humains ni par des institutions financières, mais par un système informatisé dont les logiciels sont répartis sur des réseaux d’ordinateurs à travers le monde. À la question de savoir si les cryptomonnaies peuvent faire l’objet de piratage, ses adeptes répondent par la négative arguant qu’il est impossible de pirater tous les ordinateurs constituant la Blockchain.
En ce qui concerne la transparence, l’un des usages de la chaîne de blocs est qu’elle est un registre de traçabilité de biens et d’actifs. En ce sens, elle stocke toutes les données des transactions financières depuis leur existence ainsi que leur provenance. Autrement dit, il est loisible de qualifier cette technologie de transparente parce que quiconque est capable de la télécharger dans son intégralité en vue de vérifier toutes les transactions qui y sont effectuées[14]. Ainsi, il est possible de remonter jusqu’en l’an 1 pour attester de la provenance d’un actif qui a fait l’objet d’une transaction. S’agissant, en dernier lieu, de son caractère immuable, il est impossible de modifier les données transactionnelles. En d’autres termes, l’immutabilité renvoie à la capacité de la technologie à empêcher l’altération de transactions déjà confirmées[15].
À retenir …
Grâce à la chaîne de blocs, des transactions financières sont effectuées en monnaies virtuelles et enregistrées sous format numérique sans avoir recours à un intermédiaire de confiance. Elles sont incontestablement disruptives, contestant ainsi le système financier traditionnel. Toutefois, il convient de souligner qu’elles font aussi l’objet de craintes dues aux incertitudes juridiques y relatives. C’est pourquoi, nous nous proposons d’aborder ultérieurement d’autres thématiques pour en faciliter la compréhension.
[1] « Bitcoin USD (BTC-USD) – Cours et données historiques des actions », en ligne: Yahoo Finance <https://fr.finance.yahoo.com/quote/BTC-USD/history/>.
[2] Saoud Maherzi, « Cryptomonnaie 101: C’est quoi le Bitcoin ? », Le Journal de Montréal (25 mars 2018).
[3] Marie-Claude Esposito, « La véritable histoire de la crise financière 2008 » (2013) 37:3 OT 127‑158.
[4] Erwan Joncheres, Encadrement juridique des monnaies numériques : Bitcoin et autres cryptomonnaies (Mémoire (LL. M.), Université de Montréal, 2015) [unpublished] à la p 13.
[5] Bertrand Schepper & Nadia Seraiocco, « Les cryptomonnaies, une technologie prometteuse ou dangereuse ? » (2018) 799 Relations 12‑13 à la p 12.
[6] Ibid.
[7] Milton Friedman Full Interview on Anti-Trust and Tech. https://www.youtube.com/results?search_query=Milton+Friedman+Full+Interview
+on+Anti-Trust+and+Tech
[8] Primavera De Filippi, Blockchain et cryptomonnaies, Paris, Que sais-je?/Humensis, 2018 à la p 15.
[9] Office québécois de la langue française, 2019 sub verbo « cryptomonnaie ».
[10] Claire Fénéron Plisson, « La blockchain, un bouleversement économique, juridique voire sociétal » (2017) 54:3 I2D 20 au para 18.
[11] Amaury Perrin, « Le bitcoin et le droit : problématiques de qualification, enjeux de régulation » (2019) 1:1 GFP 84‑93 à la p 84.
[12] De Filippi, supra note 8 à la p 4.
[13] Martin Chevalier & Benjamin Vignolles, « Le bitcoin : défi à la souveraineté monétaire des États et ressource pour le blanchiment d’argent » (2014) 14:1 RCE 122 au para 1.
[14] Plisson, supra note 10 aux para 4‑7.
[15] « Qu’est-ce qui rend la Blockchain sécurisée? », en ligne: Binance Academy <https://academy.binance.com/fr/articles/what-makes-a-blockchain-secure>.
Informer pour Changer