Peut-on parler de fin de règne pour Ronaldo et Messi ?
7 min readPar Kerns Larêche
L’un originaire de la ville de Madère au Portugal. L’autre vient de Rosario, la ville de Che Guevara en Argentine. L’un a fait ses débuts professionnels chez les Sporting Club dans son pays natal. L’autre a dû quitter son chez-soi de très tôt pour s’engager avec le mythique club espagnol, le Fc Barcelone. Deux ans d’âge les séparent mais plus d’une dizaine d’années de rivalité les lient. Après tant d’années de prouesses sportives, Ronaldo et Messi sont-ils encore aptes à faire gagner leur équipe ou doit-on parler de fin de cycle ?
Le hasard fait parfois bien les choses, disent certains, comme pour dire que rien n’a été prévisible qu’après la petite rivalité mettant face à face Diego Maradona et Michel Platini dans les années 80 en Italie, Zinédine Zidane et Luis Nazario De Lima (Ronaldo) au crépuscule des années 2000, on allait avoir l’une des plus fameuses concurrences opposant deux des plus grands « goleadors » du football mondial. Au mitoyen même des années 2000, le vieux adage d’ « aux âmes bien nées… » allait connaître toute sa plénitude avec l’avènement de deux pépites, à savoir Ronaldo et Messi, débarquant respectivement à Manchester United et au FC Barcelone. Plus tard, leur hégémonie depuis des années sur le football mondial est tel qu’ils défient un quelconque hasard pour embrasser le « salut de la prédestination ».
Deux gabarits, deux styles de jeux, deux tempéraments, avec deux parcours différents.
L’ancien joueur de Sporting club, du haut de son 1, 87 mètre, reluquet à ses débuts, rude travailleur, va devenir un monstre athlétique tout au long de son parcours professionnel. De ce corps métamorphosé, fort et musclé, doté d’une excellente frappe de balle avec une aisance des deux pieds (pied gauche, pied droit), d’une impétuosité hors pair digne d’un sprinteur des courses de 100m doublé d’un bon sens de dribble, Cristiano va être la nouvelle coqueluche de Manchester United sous la houlette de Sir Alex Ferguson. Hautain et megalo pour plus d’un, petit arrogant pour d’autres, il n’a pas pris de temps pour être le cible des medias, parfois sifflé même par son propre public. Celui qu’on présente comme quelqu’un ayant un ego démesuré va être l’un des plus grands fonceurs du football. L’aventure avec les « bianconeri » en Italie en est la preuve. Le Lusitanien a su gagner partout où il passe.
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Quant au natif de Rosario, l’ancien des jeunes de Newell’s Old Boy, son corps ne s’était même pas fait pour être footballeur car, dès l’âge de 10 ans, le lutin argentin avait atteint d’une forme rare de nanisme en mesurant 1,11m. D’un destin miraculeux marqué par un talent truffé d’ingéniosité et d’un style de jeu « maradonien », Messi sera le protégé du club catalan qui paya le coût de ses soins jusqu’à sa guérison. Comme un Jean-Baptiste, le prophète, annonçant la venue d’un homme qui sera le Christ, Ronaldinho avait déjà présagé à Kobe Bryant, lors d’une rencontre, qu’il allait lui présenter le « meilleur joueur de tous les temps ». Autiste pour la plupart, introverti pour d’autres, l’homme d’un 1,70 mètre va recevoir tellement d’empathie de la part du monde médiatique et du football qu’on le surnomme « dieu ». Fidèle à un seul club, comme Beyonce l’est à Jay Z, un P. Maldini à Milan AC ou un Francesco Totti à la Roma, Messi sera non seulement l’icône des « blaugranas » mais aussi l’un des « patrimoines » de la ville de Barcelone.
Début des rivalités
Dès 2008, Zizou n’est plus, il venait de raccrocher les crampons. Ronaldinho joue beaucoup plus dans les bars que sur les terrains. Luis Nazario De Lima (Ronaldo) se bat contre un surpoids frôlant l’obésité. Le football mondial sera l’œuvre d’une trilogie : un Brésilien, Kaka ; un Portugais, Ronaldo ; un Argentin, Messi. Ricardo Leite (Kaka), après sa consécration en 2007 au ballon d’or de la Fifa, victime aussi de blessure et un manque de rythme, abandonnera le trône. Ce fut le début de l’ère de l’une des plus « grandes» concurrences sportives. Jamais deux mastodontes n’ont autant marqué l’histoire du football par leur rivalité car, depuis l’année 2008, la Pulga et Cr7 font la « mano a mano » tant sur le ballon d’or que le soulier d’or européen. Pour plus de dix (10) ans d’émulation, ce sont à eux deux 10 souliers d’ors, 11 ballons d’ors, plus de 50 titres et deux seuls joueurs en activité à avoir dépassé le cercle fermé de la barre des 700 buts. De ces 13 années de dominations communes, dans l’intervalle 2008-2017 entre autres, Messi et Ronaldo raflent à eux seuls 8 ligues des Champions (LDC) ; ce qui les confère le titre de « rois » de la LDC. Pour plus d’un, ce sont les deux facteurs multiplicateurs (X, concept macroeconomique) de la plus prestigieuse compétition européenne de club. Autrement dit, il suffit d’avoir Messi ou Ronaldo dans votre équipe pour qu’on espère gagner.
Possible déclin… ?
À un certain temps, le nom de Ronaldo et de Messi s’associent bigrement à une « culture de la gagne ». Mais, depuis le départ en 2017 de CR7 du Real Madrid vers la Juventus de Turin, celui de Neymar du Fc Barcelone en direction du Paris Saint-Germain en 2017, la retraite de Xavi Hernandez et celle anticipée d’Iniesta, on a l’impression que ce n’est plus le cas. La Juve avec sa nouvelle recrue, le recordman en termes de buts de la Ligue des Champions, n’arrive plus à passer le cap des quarts de finales. Du côté de l’Espagne, le Barça avec la Pulga continue d’enchaîner les déceptions, les unes plus humiliantes que les autres. Entre la désillusion marquée par les multiples éliminations en Ligue des Champions et le poids de l’âge de ces deux génies, peut-on parler de fin de cycle pour Ronaldo et Messi ?
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C’est difficile de répondre par l’affirmatif à une question assez complexe. Cette complexité relève du fait que la nature de même que les équipes sont changeantes. C’est-à- dire elles sont appelées à s’améliorer, se transformer, à décroître en raison de la crise sanitaire due au Covid-19 cette fois-ci. On pourrait même dire que c’est une presqu’une loi de la théorie dialectique qui s’applique au football. Car le Real emmené par Zinédine Zidane et Ronaldo, malgré leur génie, n’ont pas pu défier cette assertion métaphysique utilisée le plus souvent en football: «On qu’on ne change pas une équipe qui gagne». Zidane a été démis de ses fonctions après trois (3) titres de Ligue des Champions en trois ans au poste d’entraîneur principal et Ronaldo avait fait ses valises pour la Juventus.
Depuis la séparation de CR7 avec le club Merenge, ni le Real Madrid avec l’absence de Ronaldo ni le portugais de son côté avec la vieille dame n’ont pas gagné la coupe aux grandes oreilles. Entre-temps, Ronaldo continue de multiplier des buts et de faire tomber des records. Le 05 Mars dernier, il a marqué son 767e but sur le plan professionnel et égale du coup le légendaire brésilien, le Roi Pelé. Avec la Juve, sur les 116 matchs joués (toutes compétitions confondues), Cr7 a marqué 88 buts (0,75 buts par match) et délivré 21 passes. En tête du classement des buteurs en Italie, en 2021, avec 20 buts en 22 matchs, CR7 continue de faire ce qu’il sait faire le mieux. Comme un livreur de pizza ou de journal qui n’a jamais raté une livraison, un musicien n’ayant jamais produit de fausses notes, Ronaldo, lui, continue de faire trembler les filets. Que lui demander de plus à 36 ans ?
Si Ronaldo est surtout connu pour un «risqueur» c’est-à-dire celui qui prend des risques ou aime changer d’air, Messi c’est pratiquement l’inverse avec l’appellation «l’homme d’un seul club». De 2015 (l’année de la dernière Ligue des Champions de Messi avec le Barça)à 2021, l’effectif des blaugranas est de moins en moins starisé ou tout au moins étoffé. Les départs de certains cadres comme Xavi, Iniesta, Neymar, Suarez n’ont pas pu être comblés par les nouveaux venus Dembelee, Coutinho, De Jong et Griezman. Alors que le Barça continue à se faire humilier dans la Ligue des Champions, Messi accroît ses nombres de buts. De 2017, soit l’année du départ de Cr7 du Real , Messi a joué 123 matchs avec le Barça pour 102 buts (0,82 buts par match) et 55 passes. Et, sur les vingt (20) dernières années, il a été pendant 8 fois, dont trois fois de manière successive c’est-à-dire 2017, 2018, 2019, le joueur le plus décisif de l’année. En 2021, il est l’actuel meilleur buteur de la Liga avec 19 buts pour un ratio de 0.79 par match.
Eu égard à ces chiffres, peut-on parler de fin de règne pour ces deux géants ? Qui fait mieux que Ronaldo et Messi en Europe en termes de chiffres (individuels) ? Mbappé ? Halland ?Neymar ? Hazard ? Dybala ? Certes Robert Lewandoski, buteur patenté, titulaire dans un grand collectif de Bayern Munich, caracole en tête des buteurs européens cette année avec ces 31 buts en 23 matchs mais ceci ne traduit pas pour autant une domination. Les années ont montré que Ronaldo et Messi ont toujours besoin d’un grand collectif pour briller beaucoup plus au sommet. D’ailleurs qui n’en a pas besoin ? Sauf Diego Maradona avec le Napoli des années 80-90.
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