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Haïti et le processus du changement de Constitution

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Par La Rédaction de Port-au-Prince Post

Un consensus semble s’établir autour de la nécessité de changer la charte fondamentale de la République. Vieille de 34 ans environ, adoptée dans un contexte socio-politique euphorique propice à l’ostracisation d’une catégorie d’Haïtiennes et d’Haïtiens, imprégnée de l’esprit de revanche contre le présidentialisme fort représenté par les 29 ans de dictature, la Constitution de 1987 porte les stigmates de son temps. Elle semble avoir fait son temps à un point tel que tous les secteurs sociaux et politiques sont favorables à une réforme en profondeur de l’architecture du droit de l’Etat à travers l’adoption d’une nouvelle charte fondamentale. De la “Chaire Louis Joseph Janvier” de l’Université Quesqueya aux prises de position du feu Docteur Momferrier Dorval en passant par les différents documents tenant lieu de proposition de sortie de crise des principales structures de l’opposition, la nouvelle décennie voit les violons s’accorder autour d’un consensus : la Constitution haïtienne de 1987 mérite d’être revisitée pour une nouvelle ingénierie institutionnelle étatique capable de mieux se colleter à notre réel vécu.

Ce consensus parait d’autant plus prégnant que le pouvoir exécutif actuel semble faire également de la question constitutionnelle une grande priorité. Avant la fin de la 50e Législature, conformément aux procédures tracées par la loi-mère, il y a eu une tentative d’amendement qui allait finalement être avortée, faute d’un consensus suffisant tant au niveau de la Chambre des députés qu’au niveau du Sénat. Depuis la fin de cette dite législature, le président Jovenel Moïse prend le relais depuis la publication des décrets ayant institué respectivement un Conseil électoral provisoire avec pour mission additionnelle de piloter un référendum pour changer de Constitution et un Comité consultatif indépendant (nommé par le Chef de l’État) chargé d’élaborer l’avant-projet constitutionnel dont l’adoption se fera par voie référendaire selon les voeux de l’Exécutif.

Si le consensus autour de la nécessité de changer de Constitution prend forme au fur et à mesure, il y a encore un certain dissensus qui s’installe quand il s’agit de parler des modalités et du contenu de ce dit changement. À partir de quelles modalités ? D’aucuns restent attachés aux procédures tracées par la Constitution de 1987 et optent, par conséquent, pour des amendements à partir du travail du constituant dérivé (le parlementaire). D’autres acteurs pensent qu’en dehors des procédures constitutionnelles, il est temps de solliciter les bons offices du pouvoir constituant originaire (le peuple), le souverain par excellence. Quel doit être le contenu de la nouvelle constitution ? Quel doit être le régime politique adopté ? Doit-on opter pour le monocamérisme (une seule chambre) ou le bicamérisme (deux chambres) ? Au niveau du contenu, les positions sont aussi divergentes. Bref ! Il y a lieu de parler de consensus global sur le projet de réforme constitutionnelle, mais de dissensus portant sur deux aspects : les modalités, d’une part, le contenu, d’autre part.

Il y a lieu de rappeler que le processus démocratique haïtien ne peut souffrir d’aucune régression. Au contraire, il y a lieu de l’affermir. D’où l’impérieuse nécessité d’un débat ouvert autour de la problématique constitutionnelle. Ce n’est pas le sort d’une famille politique particulière qui se joue dans cette aventure, mais plutôt le destin d’un pays. Faut-il laisser le champ libre à un seul groupe de décider quelle constitution Haïti mérite, quel type de parlement qui lui siérait et quel régime politique serait à même de rapprocher notre pays d’une gouvernance mieux adaptée aux défis présents et futurs de notre temps? Si on doit changer cette constitution, comment procéder en priorisant Haïti, ce bien collectif, au détriment des intérêts partisans ou de groupes?

Et c’est là tout l’enjeu de tout changement de constitution en Haïti: le fusionnement des intérêts politiques et économiques de divers groupes, des élites en tout genre. Même si une nouvelle constitution ne signifie pas forcément qu’Haïti serait soudainement susceptible de contourner ses vieux démons, de répondre aux questions que posent la mondialisation, de panser ses plaies et de, entre autres, combler ses besoins séculaires, chaque chapelle politique aspire à changer la constitution à sa façon, quitte à asséner des coups tordus à celles et ceux qui sont perçus comme adversaires. Mais le contexte en appelle à un don de soi, à un dépassement de soi pour prioriser le devenir collectif du peuple haïtien.

Ici, à Port-au-Prince Post, on croit fortement que personne n’a la recette magique pour offrir à la nation une nouvelle constitution capable d’instituer les bases d’un nouveau mode gouvernance axé sur la culture des résultats. En effet, à un moment où le Comité consultatif indépendant vient de publier le premier draft officiel du contenu de la nouvelle constitution, Port-au-Prince Post croit opportun d’ouvrir ses colonnes virtuelles à tout un débat de fond autour de ce processus délicat dont l’aboutissement éventuel risque d’influencer l’avenir d’Haïti dans un sens ou dans un autre. Il y a lieu d’ouvrir le débat. Cet article introductif ne fait qu’annoncer toute une série de réflexion à même de permettre à l’opinion publique de s’approprier davantage ce grand débat national. Chaque semaine, des articles seront donc publiés pour passer au peigne fin le document rendu public par le Comité Consultatif Indépendant dans le souci constant de mieux alimenter l’espace public haïtien en idées pour un débat résolument de qualité supérieure.


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