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L’économie d’Haïti en chute libre, les perspectives de plus en plus sombres pour 2021

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Par Riphard Serent,  MPA
Economiste

L’année 2020 s’achève, et comme d’habitude, il est toujours de bon ton de faire un bilan économique de l’exercice écoulé, en regardant ce qui s’est passé dans les quatre secteurs clefs de l’économie à savoir : le secteur réel, les finances publiques, le secteur externe et le système bancaire, avant de présenter les perspectives pour le nouvel an.

Au niveau du secteur réel de l’économie

Pour l’exercice 2019-2020, les activités économiques ont connu une chute spectaculaire, à cause justement des effets  conjugués des troubles socio-politiques du 2ème et du premier trimestre et de la pandémie de Covid-19.  En effet, selon les dernières prévisions de décembre de la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEPAL), l’économie haïtienne pourrait atteindre une croissance de -3% en 2020, contre -1.2% en 2019, avant de remonter à 2% en 2021.

En ce qui concerne le taux de change, il faut dire que le spectre d’une détérioration continue de la valeur de la gourde encore cette année, comme l’année dernière, a été évité, grâce non seulement à un ensemble de mesures prises par la banque centrale et le gouvernement, mais aussi à cause du comportement des transferts de la diaspora et surtout, entre autres, du renversement observé dans les anticipations négatives des agents économiques qui ne croyaient plus dans le billet vert au cours de la période du fin août jusqu’à la fin du mois d’octobre 2020. En effet, après avoir connu un pic de 123 gourdes pour 1 dollar le 10 août, le taux de change a clôturé l’exercice 2020 à 67 gourdes pour 1 dollar, ce qui représente une appréciation d’environ 38% de la monnaie nationale. Le comportement du taux de change de mi-août au 30 septembre a impacté positivement le rythme de l’inflation qui baissé d’environ 2 point de pourcentage pour atteindre 25,1% en septembre dernier, avant de tomber à 21,6% en octobre, selon les données de l’IHSI. Toutefois, à deux chiffres, ce niveau d’inflation reste toujours trop élevé pour la stabilité macroéconomique et l’amélioration des conditions de vie de la population.

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Les finances publiques

Les résultats demeurent mitigés au niveau des finances publiques. En effet, selon la dernière note sur la politique monétaire de la BRH, les recettes fiscales ont augmenté d’environ 15% cette année par rapport à l’année dernière, pour atteindre environ 88 milliards de gourdes contre 89  milliards de gourdes de prévisions budgétaires, ce qui représente un taux de réalisation d’environ 98%, grâce à l’augmentation du taux change qui a été favorable aux recettes douanières. En d’autres termes, la progression des recettes de l’État, notamment la partie venant de la douane, au cours de la période octobre 2019- août 2020, a eu un effet de change significatif qu’il ne faut pas négliger.

En ce qui concerne les dépenses budgétaires, elles ont connu également une hausse substantielle cette année de plus de 60%, occasionnant ainsi un besoin de financement de l’Etat. En effet, le financement (monétaire) du déficit budgétaire du gouvernement par la Banque centrale a atteint un niveau record d’environ 42 milliards de gourde pour l’exercice 2020, contre environ 9 milliards pour l’exercice 2019. Par ailleurs les Bons du trésor émis par le gouvernement et achetés par les banques commerciales ont progressé de manière considérable cette année, passant de 8.3 milliards de gourdes en 2019 à 23.9 milliards en 2020.  Quoi qu’il s’agisse d’un élément positif dans le mode traditionnel de financement du déficit budgétaire du gouvernement, il convient de noter que ceci a renforcé l’effet d’éviction dans l’économie.

Du secteur Externe

La baisse de la demande aux États-Unis, la fermeture des usines du secteur textile pendant la période de pic du coronavirus et le ralentissement de la demande en Haïti et la fermeture de l’aéroport pendant environ trois (3) mois ont impacté à la fois nos exportations et importations de biens et services. En effet, les données collectées par la BRH pour les 10 premiers mois de l’exercice font état d’une baisse des importations et des exportations du pays, provoquant ainsi une chute d’environ 23% du déficit commercial. Toutefois, en analysant la position économique d’Haïti cette année dans les échanges commerciaux par rapport à 2019, il convient de souligner une détérioration certaine avec un taux de couverture passant d’environ 33% en 2019 à une prévision de 25% cette année.

En ce qui concerne les transferts de la diaspora, contrairement aux prévisions à la baisse de la Banque mondiale pour l’ensemble des pays de la région, incluant Haïti, ces transferts reçus par l’économie haïtienne, et collectés à travers les maisons de transfert seulement, ont bondi de 18,4% pour l’exercice 2019-2020 par rapport à l’exercice précédent, selon les données communiquées par la Banque centrale sur son site web. En effet, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la croissance des transferts en 2020 a été même plus prononcée que celle enregistrée en 2019 (6,4%), nonobstant la crise sanitaire de Covid-19, pour atteindre environ 2.97 milliards de dollars américains, contre environ 2.5 milliards  pour l’exercice 2018-2019. Après les ajustements de la banque centrale, pour prendre en compte les transferts passant par les mécanismes informels, le montant total des transferts qu’on retrouvera dans la balance des paiements dépassera sans nul doute les 3 milliards de dollars américains pour 2020.

Le comportement des transferts au cours de la période mai-août 2020, avec une croissance de 46% entre mai et septembre, a beaucoup supporté la baisse considérable du taux de change observé en octobre, en augmentant l’offre de devises sur le marché de manière substantielle.

En ce qui a trait aux investissements directs étrangers (IDE), la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) tablait déjà sur une baisse de 40% de ces investissements dans le monde à cause de la Covid-19. N’en parlons pas pour Haïti qui a été déjà un mauvais élève en matière de captation d’IDE, dont le flux s’élevait à environ 75 millions de dollars en 2019 contre plus de 3 milliards de dollars captés par la République Dominicaine. Pour 2020, on devrait s’attendre à une chute encore spectaculaire de ces investissements vers Haïti.  

LIRE AUSSI: Le processus d’inclusion financière en Haïti à l’épreuve de la concentration du marché bancaire

Du secteur bancaire

Contrairement à 2019, l’année 2020 a été évidemment difficile pour le secteur bancaire en raison, d’une part, de la baisse considérable des activités économiques au cours de la période mars-juin 2020 et, d’autre part, des mesures prises par la BRH et le gouvernement en vue de soutenir l’économie face aux effets du coronavirus. En effet, les données de la banque des banques montrent que l’actif du système bancaire a chuté d’environ 7% en 2020 pour atteindre environ 375 milliards de gourdes. Toutefois, il convient de souligner que la forte diminution de l’actif du système bancaire s’explique surtout par la baisse du taux de change d’environ 28% sur l’exercice 2020. D’un autre côté, et contrairement à l’année dernière,  le bénéfice net pour l’exercice 2020 s’est chiffré à 4.49 milliards de gourdes, soit une chute d’environ 35% par rapport à 2019. En dépit de ces contreperformances, il convient de noter qu’en analysant d’autres indicateurs, le système bancaire est bien capitalisé, et ne représente aucun risque pour la stabilité du système financier en général.

Globalement, l’année 2020 a été une année particulièrement très bouleversée et difficile, sortant d’un épisode de ‘’pays lock’’, passant par les mouvements des policiers, pour arriver au coronavirus et au phénomène du kidnapping, avec des conséquences néfastes sur l’économie et sur les conditions de vie de la population en général.

Des perspectives sombres

Les économistes sont unanimes à reconnaitre que les perspectives pour 2021 sont très sombres, au regard non seulement de ce qui se défile sur l’échiquier politique, mais aussi de cette tendance d’une remontée du coronavirus qui pourrait encore déclencher une déclaration d’Etat d’urgence dans le pays. Ces incertitudes qui planent sur l’économie ne laissent pas présager une croissance positive pour 2021, comme le prévoit la CEPAL. Toutefois, on pourrait parvenir à un renversement de la tendance, si l’on arrive à être épargné du pire avec le virus et que les acteurs politiques, d’un autre côté, parviennent à un consensus pour la stabilité à tous les niveaux.


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