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Port-au-Prince Post

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Emeline Michel, la gloire éternelle

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CP: Charly Amazan

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Par Rosny Ladouceur

Darline Desca et neuf consœurs musiciennes, avec l’appui d’une cohorte d’instrumentistes, rendaient, vendredi, hommage à l’icône adulée de la chanson créole.

Dans la tête de Darline Desca flottait, depuis l’épisode « pays lock », l’idée de rendre hommage à Emeline Michel, de raconter en musique la trajectoire de la native des Gonaïves qui a illuminé la musique haïtienne pendant 33 ans. Démotivée par le climat de tumultes socio-politiques qui ont mis à plat les choses et les gens, c’est enfin Zagalo qui a volé à son secours en organisant l’évènement de manière conjointe. C’est ainsi que dix jeunes femmes, pas toutes de même trempe, laissant de côté leurs envies de la concurrence, de rivalités fantaisistes, se sont rassemblées, vendredi 18 décembre sur la scène du Karibe, pour honorer cette légende vivante qui sert encore aujourd’hui de référence à toute une génération d’artistes touchées par la crise de repères.

CP: Charly AMAZAN

D’abord la grogne du public

Port-au-Prince Post a récolté les critiques d’un public à bout d’impatience, qui grogne à chaque claquement de mains contre 1 heure et demie de retard (le concert programmé à 8h a débuté à 9h30 sans explications ni excuses formelles), les va-et-vient des serveurs au moment des performances. Il y a eu ce tonitruant «rabòday» qui parvenait depuis les hauteurs d’Asu Lounge jusqu’à la cour du spectacle, les énergies perdues dans la projection sur grand écran de capsules vidéos devenues nuisibles et même huées, la palette sonore d’Emeline parfois mal digérée, les chorégraphies manqués, les lyrics oubliés, les inflexions ratées. Ce concert fut, pour beaucoup, un mélange d’émotions et de déceptions, de frissons et de sentiments d’un spectacle bâclé, de bonheur et d’humeur gâtée dès les premières gouttes de pluie qui ont coupé « La nuit d’Emeline » en deux sets.

CP: Charly AMAZAN

Revisiter Emeline

9h40. Darline Desca, Tamara Suffren, Slouze Jean-Baptiste et Shoumy, toutes enroulées de noir, entonnent l’hymne « Ayiti peyi Solèy », s’ensuit une chorégraphie sur le morceau « Plezi Mizè ». Choumy, bustier rose, a la grâce et la voix chaloupée nécessaire pour interpréter le mielleux morceau « Pran men m ».
 
Ericka Julie Jean-Louis, sous sa casquette de danseuse et de chanteuse, reprend « Amandine » sur une grille harmonique aux accents latins, Tifane, voix soul et guitare mariées,  chante « Yon fi kon Magalie » saluant au fil des accords du guitariste la mémoire d’Evelyne Sincère. Après « Fò m ale » où le timbre de Bijou pose en pirouette presque lamentable, il y a la gouaille et les déhanchements de Misty Jean sur le morceau culte A.K.I.K.O, un de ces titres qui a mis Emeline sur le chemin de la reconnaissance internationale.

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12h05. Second set après environ une heure d’arrêt à cause de la pluie. Face au public dont la MC salue la bravoure et la persévérance, il y a Slouse qui interprète « Djannie » dans une remarquable justesse de ton et de contrôle du souffle.

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C’est au tour d’Annie Alerte d’envelopper de sa voix d’enfant héritier du blues la mélodie enchanteresse  « Pa gen manti nan sa » : on la sent marmonner du fond de la gorge deux ou trois paroles oubliées de ce morceau.
Tamara Suffren, robe brodée de paillettes, surfe sur « Moso manman », un titre en rappel de sa mère défunte, Nadia Faubert balance en l’air « Gade papi », Darline Desca reprend « Flanm » mais son corps raconte autres choses de la vie d’Emeline.

CP: Charly AMAZAN

L’apothéose

Alors, il a fallu attendre la diva, vivante, immense, souriante, tendre, généreuse et reconnaissante pour vivre l’instant le plus intense : celui où Emeline attrapa son micro, ouvra la bouche et fit monter de ses tripes « Mèsi », « L’odeur de ma terre », « Beni yo », « Pè Letènel », « Banm Lajwa ». Les dix autres chanteuses étaient cramponnées aux pieds de la diva pour apprendre, sur la scène même, cette leçon de grandeur, de dur labeur, de rendez-vous au sommet, d’aura taillée dans la patience, la solitude (parfois) et la souffrance tout en se tenant à mille lieux de la presse à sensations. « À voir toute cette pépinière de jeunes femmes artistes reprendre mes musiques,  ça m’a donné l’envie de les rechanter », souffla-t-elle avant de tarir d’éloges les instigateurs de ce « tribute ».

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1987-2020, c’est plus de trois décennies passées à rêver grand, comme le susurrait son père, à galérer plus de cents fois contre le machisme chevillé au corps des producteurs du « compas », à glaner des miettes de succès au fil d’un intense parcours musical. Emeline Michel est une leçon de lutte valeureuse pour la gloire éternelle sans une once scandale.


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