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Contre la construction de l’édifice du pire…

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Par Juno Jean Baptiste

En formant son CEP sans la consultation des forces vives de la nation, sans un accord au préalable avec la classe politique, mais fort de l’appui de l’OEA et des États-Unis, le président de la République, Jovenel Moïse, avait décidé de pousser à fond la carte de la provocation. Se sentant peut-être revigoré, fermant les yeux sur son quinquennat déjà pourri par des crises et des scandales de toute sorte, il croit pouvoir avancer envers et contre tous vers des élections qui risquent de plonger tout le pays dans des crises postélectorales à l’issue, comme toujours, incertaine.

La narration politique de ces dernières années est sans appel: les élections sont davantage génératrices de crises quand elles sont organisées unilatéralement, le dos à une nécessaire entente entre les forces politico-sociales les plus diverses. Le régime n’en a cure, fait peu cas de l’histoire. La constitution à brûle-pourpoint de quelques micro-comités (majoritairement proches du pouvoir) sous le couvert fallacieux de partis politiques depuis la formation du CEP de Jovenel Moïse participe de ce déni ambiant. Cela se confine à un simple exercice de manipulation politique pour faire comprendre à tort à l’international, à nos principaux bailleurs, que tout concourt aux élections.

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Pourtant, dans la realpolitik, les cartes n’ont pas été redistribuées, même si dans le jeu de la perception politique, le régime semble avoir pignon sur rue pour imposer ses quatre volontés, ses élections, ses terreurs et ses peurs. Mais tout cela est trompeur et c’est là toute la complexité des batailles politiques qui se dessinent sous nos yeux. L’opposition, bloc hétérogène par excellence, certes largement minée par des contradictions historiques (comme pour toute opposition politique), par des guerres d’égo et des petites querelles de chapelle, n’entend pas se faire démonter. Elle veut exister et/ou réagir par la démonstration dans les rues. Elle veut surtout se battre, mettre des coups et ne pas se contenter d’en recevoir.

La manifestation annoncée en grande pompe samedi, date de l’anniversaire de la mort du père de la nation, en est l’expression la plus suprême. Les quelques signaux de mésentente entretenus depuis quelques jours par les deux camps, d’un côté celui du Secteur démocratique et populaire (réunion de divers partis et de regroupements politiques), et, de l’autre, celui emmené par le leader de Pitit Dessalines (les enfants de Dessalines) Jean Charles Moïse, risquent certes de desservir le régime PHTK et ses alliés. Mais il n’en demeure pas moins que l’annonce de cette journée de manifestation ébranle ce pouvoir au pied d’argile, dont on aurait pu aujourd’hui parler au passé, n’était-ce le soutien quasi-infaillible (les États n’ayant pas d’amis, ils n’ont que des intérêts) de l’Oncle Sam depuis plus de deux ans.

La sortie en public à travers d’un “live Facebook” du bandit le plus connu de la République est tout, sauf un hasard. Barbecue, ainsi connu, accusé dans plusieurs massacres de civils (selon des rapports officiels), a mis quiconque en défi de prendre la rue samedi, de manifester contre le pouvoir. Sans prendre de gants, l’homme a proféré des menaces à peines voilées contre ceux qui comptent fouler le macadam samedi 17 octobre. L’opposition, du moins l’aile du Secteur démocratique et populaire, appelle à manifester contre le pouvoir pour exiger, entre autres, le départ de Jovenel Moïse le 7 février 2021. Mais Barbecue, à la tête d’une fédération de gangs (G9) dont on soupçonne des affiliations avec le Palais national, dit non et  menace. Rien d’anormal dans la République bananière du PHTK.

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La vidéo de Barbecue finissait à peine de faire des vagues sur les réseaux sociaux que Fantam 509, un syndicat d’on ne sait s’il regroupe des policiers et également autres individus, indiquerait être aux côtés du peuple qui aspire à prendre la rue. «Les revendications du peuple sont également nos revendications», soutiendrait Fantom 509. Si la fédération de gangs dirigée par Barbecue est passée maître dans le massacre des populations civiles dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, notamment à Bel Air, Fantom 509 est surtout reconnu pour les sorties d’éclat de ses membres, armes à feu en bandoulière, dans les rues de Port-au-Prince, tantôt pour exiger de meilleures conditions de travail, tantôt pour demander la libération de leurs frères d’armes. Voilà le sort d’Haïti livrée aux mains d’une clique de jouisseurs amateurs depuis près de dix ans. Voilà la réalité que certains étrangers refusent de voir, eux qui croient dur comme fer que des élections dans une situation aussi intenable, à défaut d’être la panacée aux maux séculaires du pays, pourraient perpétuer tout au moins la démocratie de façade qu’ils nous ingurgitent.

À défaut de la construction d’un avenir pour tous, des élections dans de meilleures conditions, la construction de l’édifice du pire se poursuit. Sans que cela ne semble effrayer ni les élites, ni la société civile, ni les blancs qui disent pourtant vouloir notre bonheur…


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