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Par Juno Jean Baptiste

Les images ont eu l’effet d’un tourbillon sur les réseaux sociaux samedi matin. Le corps inerte de l’étudiant Grégory Saint-Hilaire couvert d’un drap blanc allongé sur une planche des heures après son assassinat à l’École normale supérieure (ENS), à quelques encablures du Palais national. Sa mère, les entrailles en lambeaux, ne sachant à quel Saint se vouer, sanglote: «Manman w vin chache w Greg, Greg men manman w, Greg men manman w !». Son père, tout aussi inconsolable, fait les cent pas dans la cour de l’ENS. Un homme, ça s’effondre aussi face à une telle épreuve. Une sensation de fin du monde pour cette famille sans histoire, sans nom.

Grégory avait 29 ans. Il vivait à Village de Dieu. Les trois balles qui lui sont logées au dos vendredi soir viennent soudainement mettre fin à ses rêves de franchir les murs de l’injustice sociale dans une Haïti où les horizons sont ostentatoirement bouchés. Il était étudiant en 2e année en sciences juridiques et s’apprêtait à boucler ses études en sciences sociales à l’ENS. «Mwen pote sak sal jiskaske m pa konnen pou pitit mwen an rive la», soupire sa manman, en larmes, dans une vidéo devenue virale sur la toile. Selon plusieurs de ses camarades, ce fut un étudiant impliqué dans les mouvements revendicatifs pour faire respecter le protocole d’accord signé entre le MENFP et l’ENS.

Crédit Photo: N/A

Justement, vendredi soir, il y a eu un mouvement revendicatif à l’Ecole normale supérieure quand celle-ci fut encerclée par des agents de l’USGPN. Grégory Saint-Hilaire était avec ses camarades. «Les policiers du Palais national ont littéralement tiré à hauteur d’hommes sur l’école. Ils étaient en mission. Ils ont voulu nous assassiner tous. Il ont assassiné Greg […]», répète un étudiant de l’ENS à Port-au-Prince Post. On peut beau faire dans le politiquement correct, mais les faits sont implacables: Grégory est assassiné dans l’enceinte de sa faculté, dans une rue contiguë au Palais national, après que les policiers de la garde présidentielle ont assailli de balles l’espace facultaire …

Un crapuleux assassinat de plus dans la République bananière du PHTK, après celui du professeur et bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, à Pèlerin 5, dans le même quartier que le président de la République, le 28 août dernier. Que ce soit tout près de son Palais national ou de sa résidence à Pèlerin, des gens sont tués. Faudrait-il y voir une simple coïncidence ? Combien d’Haïtiens doivent-ils encore mourir pour comprendre que le pays s’aventure vers des rives périlleuses? 

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Comme pour Me Dorval, la police annonce l’ouverture d’une enquête (qui n’aboutira peut-être jamais) en vue de pourchasser ceux qui ont décidé d’en finir avec Grégory Saint-Haïlaire, tuant ses rêves, jetant sa famille, ses camarades dans la desolation.

Près de 24 heures après le meurtre, il n’y a aucun communiqué du Palais national, encore de moins de l’Université d’État d’Haïti. Comme s’il fallait quelque chose de plus à la mort tragique de Grégory, l’ENS, logée dans des locaux en piteux état depuis le séisme dévastateur de janvier 2010, était en feu ce matin. La bibliothèque est complètement détruite. Les étudiants ont à nouveau accusé les agents de la garde présidentielle d’y avoir mis le feu, dans la perspective de l’exécution d’un plan aussi macabre que surréaliste: réduire la faculté en cendres pour mieux la déloger dans les parages du Palais national, si l’on en croit certains étudiants.

Entre-temps, la mère de Grégory pleure encore la perte brutale de la chair de sa chair. Pas sûr que les bourreaux de son fils seront punis dans un pays où les plus faibles subissent depuis toujours les injustices les plus effroyables.


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