La puissance de l’arbitraire en Haïti
4 min readPar Ralph Stherson Sénat
Sociologue
Née de la violence et par la violence, la société haïtienne a intériorisé la violence comme moteur principal de son histoire. En fait, des rapts organisés pour accaparer les captifs sur le sol africain, en passant par le package infrahumain dans les cales des Négriers, les quotidiens de tous les maux sur les plantations coloniales, les bains de sang caractéristiques de la lutte révolutionnaire anti-esclavagiste, l’état de guerre permanente du XIXe siècle, l’insurrection permanente des Cacos, les massacres arbitraires des Marines durant les dix-neuf ans d’occupation américaine, les 29 ans de règne de la terreur d’Etat sous la dictature des Duvalier, le règne des chimères sous le règne des Lavalas, jusqu’aux violences débridées exercées par l’administration actuelle, l’arbitraire a toujours fait étalage de sa puissance.
De nos jours, la puissance de l’arbitraire est sans borne. Elle s’abat sur n’importe qui, du massacre des démunis de La Saline, de Cité soleil ou de Belair, en passant par le viol suivi du meurtre des filles, fillettes et des femmes innocentes pour aboutir aux assassinats ciblés de personnalités publiques. Les prises de position des responsables de l’Etat laissent comprendre que l’arbitraire exercé vise à pérenniser le projet de société fondée sur la mise à l’écart des masses. La poussée à l’extrême de l’instinct carnivore actuellement dans le pays répond à une logique politique. Les palpitations du moment sont rythmées par les élections à faire ou à ne pas faire. Certains tuent dans l’esprit de faciliter les opérations, d’autres tuent dans l’esprit de les ralentir ou de les bloquer. Et, au milieu des deux camps carnivores, se trouve le gros peuple, la proie.
Le gros peuple, c’est ce bébé qui est tué par balle, sans même avoir commencé à vivre ; c’est cette femme enceinte de huit mois qui est tuée chez elle par les balles, par des gangs rivaux en guerre l’un contre l’autre, pour rien ; c’est cette étudiante qui est kidnappée, violée et tuée après, son seul crime c’est d’avoir été une femme dans une société dominée par des bêtes. Le gros peuple, c’est aussi ce citoyen lambda qui est tué en pleine rue par une balle perdue en allant chercher le pain pour sa famille, sans savoir par qui et pourquoi ; c’est également ce professeur d’université, de surcroit, bâtonnier de l’ordre des avocats, obnubilé par l’honnêteté, la sincérité et le sentiment de faire œuvre utile pour son pays qui est assassiné par des tueurs à gage ayant vendu leur service pour quelques gourdes. L’assassinat de ce professeur est un ultime affront contre la décence, le savoir et le savoir-faire qu’il détenait. C’est un message envoyé à tous ceux qui persistent à indiquer une sortie raisonnée de notre bourbier. Notre bourbier est un oasis pour les sauvages qui nous gouvernent.
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L’imposition de l’arbitraire comme modèle de gestion de la cité vise à nous désespérer et à nous faire fuir. La preuve est que l’arbitraire qu’ils imposent est structurel, il a son chef suprême, ses conseillers, ses financiers, ses médias, ses supporteurs nationaux et internationaux et ses tueurs à gage. C’est devenu extrême et omniprésent. Il a ses institutions formelles et informelles (Police, Armée, Fédération de gangs). Il s’active ou s’intensifie selon l’objectif du moment et/ou la cible à abattre.
Toutefois, nous devons tout faire pour le vaincre. La nécessité de se battre jusqu’au dernier soupir pour la dignité, l’espoir et la décence est un devoir pour nous. Nous sommes dans l’obligation de tenir tête. Les ancêtres esclaves qui ont fabriqué ce pays en dépit de l’arbitraire colonial, se sont dépassés. Ils ont relégué au second plan leurs peurs individuelles afin de conquérir honneur et dignité pour nous. Aujourd’hui, nous nous trouvons à un carrefour où nous devons adopter les stratégies de Mackandal, de Biassou, de Jean-Francois, de Jean-Pierre. En l’état, le pays qui nous habite est comme les champs de canne-à-sucre des esclavagistes, afin de nous réapproprier, nous devons tout renverser. Il faut mettre le feu aux plantations de canne des maitres locaux, sinon nous serons tous tués.
Informer pour Changer
Trop facile
” Haïti ce n’est ni l’enfer, ni le paradis ”
Je constate que cet article se limite à faire seulement le bilan de l’enfer.