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Les limites de l’empathie dans l’engagement politique en Haïti

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Via Pieuvre.ca

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Par Ralph Stherson Sénat
Sociologue

Depuis la chute de la dictature des Duvalier en 1986, de plus en plus d’individus et/ou de regroupements politiques plus ou moins organisés, se dressent et s’inventent représentants et porte-parole du peuple haïtien. Chaque année, de nouveaux leaders apparaissent, de nouveaux partis, mouvements et coalitions politiques font surface avec l’objectif avoué de conquérir le pouvoir afin d’agir au profit des Haïtiennes et des Haïtiens. Cependant, la réalité socio-politique des 30 dernières années démontre que les Haïtiens sont parmi les plus mal représentés au monde. Les représentants haïtiens, en plus de leur incompétence avérée, font de plus en plus montre d’être plutôt au service de leur propre personne, de leur famille et de leur clan. Comment expliquer cet état de fait ?

Il est à constater au niveau des catégories militantes en Haïti, toutes catégories confondues, la culture d’une tentation excessive d’empathie. Malheureusement, cette supercherie évacue, ce que Paul Bloom appelle la «compassion rationnelle» qui devrait plutôt s’établir et, de surcroit, entraîne l’effet pervers, pour les représentants, de se percevoir comme étant détenteurs de capacités transcendantales les habilitant à vivre, agir, penser et parler à la place des individus qu’ils prétendent représenter. Pourtant, dans la logique de la démocratie représentative, la fonction principale d’un représentant, ou mieux, d’un porte-parole est, comme Pierre Bourdieu l’a analysé ailleurs, de manifester le groupe qui l’autorise à parler et/ou à agir en son nom ; autrement dit, sa compétence en tant que représentant n’est que le résultat d’une proximité en termes d’expérience sociale et géographique, constamment renouvelée.

Contrairement à la parole et à l’action individuelles, celles des représentants sont autorisées. Elles doivent leur autorité au fait que ceux qui les portent et/ou les exercent s’autorisent du groupe qui les autorise à parler et à agir en son nom. Dans cette même veine, quand parlent et/ou agissent les représentants, c’est un groupe qui parle et agit à travers eux, mais qui existe en tant que groupe à travers leur parole et leurs actions.

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Donc, l’incapacité des représentants haïtiens de ces dernières années à simplement faire le travail pour lequel ils sont à leur poste est fondamentalement liée aux intentions inavouées de leur engagement politique. Car, derrière leur élan pseudo empathique, se cachent des ambitions démesurées d’enrichissement personnel, familial et clanique. D’ailleurs, même au niveau de la machine à fabriquer les représentants, à savoir les élections, rien ni personne en Haïti ne laisse entrevoir qu’il s’agit d’un processus ou d’un espace d’exercice libre du droit de vote citoyen. Au contraire, chaque élection organisée ces dernières années s’est révélée une mascarade ; c’est-à-dire, un espace de justification et d’approbation de fraudes savamment planifiées. De ce fait, les représentants qui en sont sortis sont majoritairement des médiocres et des corrompus obsédés par l’enrichissement facile et illicite qui ne représentent, en réalité, personne, sinon eux-mêmes, leur famille, leurs amis et leur clan interne et externe.

Autant comprendre l’urgence de repenser l’engagement politique en Haïti.


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1 thought on “Les limites de l’empathie dans l’engagement politique en Haïti

  1. Déroutant !
    Comme ce texte n’a pas tenu compte que des économistes ont situés l’effondrement économique d’Haiti en 1980 et ils avancent que c’est cet effondrement économique qui a provoqué la chute de la dictature des Duvalier – ce régime qui en presque 30 ans est arrivé à domestiquer les institutions de la république.
    Je préfère voir dans les discours de ces politiciens qui s’improvisent porte-parole, des gens qui sont incapables de produire une parole sur l’ici et le maintenant, cette incapacité explique l’absence de projet projets ou de doctrines politiques ds le milieu haïtien d’aujourd’hui qui se manifestent chez eux. Ils se contentent tous de faire des jugements morales ou de compétences – l’auteur du texte est tombé aussi dans ce piège, il s’est contenté de camper un prototype en considérant de l’aspect moral et de compétence.
    Le dénuement intellectuel que nous a laissé les 30 ans de dictature, doublé de ces trentaines d’années de chaos ne nous enlèvent t – ils pas cette capacité de pouvoir nous regarder dans notre dimension réelle ?

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