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Kot kòb Petwokaribe a? 1

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Par Juno Jean Baptiste

L’affaire PetroCaribe, le plus grand scandale de corruption de l’histoire contemporaine haïtienne, semble tomber dans l’oubli alors même que l’opacité qui entoure la gestion du coronavirus devrait la remettre à l’ordre du jour. Les acteurs de tout bord, notamment les petrochallengers, semblent préoccupés par d’autres enjeux.

L’histoire paraissait pourtant belle: des armées de jeunes issus aussi bien des entrailles de la masse défavorisée, paupérisée que d’une petite aristocratie de la classe dite moyenne, abandonnent tout à coup le confort du non-engagement pour l’incandescence du béton, pour y dénoncer la corruption symbolisée par la classe politique, les tenants du pouvoir et de l’avoir, exiger le procès PetroCaribe, la restitution de l’argent et l’arrestation des dilapidateurs sans égard à l’affiliation idélogico-politique de ces derniers. Tous ces jeunes, avec une ferveur toute patriotique, exprimaient leur ras le bol d’un «ordre social inique» entretenu par des politiques de tout poil et foulaient le macadam pour exiger un «nouveau système». Il y a bientôt deux ans depuis que ce feu a embrasé les rues d’Haïti pour enfin s’éteindre graduellement, au préjudice de la soif inextinguible de justice et de reddition des comptes des premiers jours.

Portée initialement par des jeunes, des influenceurs (sur les réseaux sociaux) mués en petrochallengers, cette colère plus que légitime a vite fait d’habiter tous les compartiments du corps social. À l’unisson, ouvriers, personnes à mobilité réduite, étudiants, socioprofessionnels se sont mis à scander des hymnes en l’honneur du nouveau pays qu’ils appelaient de tous leurs vœux. Un pays avec de nouvelles pratiques de pouvoir où la transparence et la reddition des comptes seraient au rendez-vous. D’aucuns croyaient à un tournant historique majeur. Le mouvement des petrochallengers a semblé incarner le paroxysme de l’éveil de la conscience citoyenne au point qu’il était évident qu’il allait permettre irréversiblement d’épurer les avenues du pouvoir. Mais, nous sommes présentement en mai 2020. Et tout semble s’arrêter alors même que le gouvernement fait montre d’une opacité criante dans la gestion de la crise du coronavirus et que l’équation PetroCaribe demeure jusqu’ici irrésolue. Qu’est-ce qui explique l’extinction presqu’évidente du mouvement Petrocaribe challenge? Les guerres d’égo entre les jeunes challengers ? Le pouvoir PHTK ou d’autres acteurs de l’ombre? Y a-t-il une possibilité à ce qu’il reprenne à l’avenir du poil de la bête pour repartir de plus belle ?

Via the New York Times

Essoufflement?

Des présumés dilapidateurs se la coulent douce alors même que des milliards de dollars ont été volatilisés sans aucune réalisation d’envergure. Certains, des figures influentes de l’administration Moïse, font et défont en sous-main, les yeux rivés vers des élections imaginaires. Ils ont de quoi pavoiser à mesure que le temps file et que le brouillard s’épaissit davantage autour d’un hypothétique procès PetroCaribe. D’autant que chez certains.nes de ceux/celles qui incarnaient les têtes d’affiche du mouvement, l’affaire PetroCaribe, le plus grand scandale de corruption de toute l’histoire contemporaine haïtienne, semble n’être plus, du moins pour le moment, sur la carte des préoccupations. «Nous travaillons sur plusieurs initiatives en ce moment et le groupe souhaiterait mettre l’emphase sur ce qui a rapport à la Covid-19. Je repondrai avec plaisir aux questions sur le dossier Petrocaribe une prochaine fois», confie Emmanuella Douyon de Nou pap dòmi, jointe au téléphone par Port-au-Prince Post. 

Ce repli, est-il une stratégie pour mieux rebondir et continuer à exiger le procès? Un jeune, qui a été au front dès le début, très proche de Nou pap dòmi, sous le couvert de l’anonymat, croit que le «petrocaribe challenge est à une phase spécifique où les manifestations de rue ne sont pas essentielles». «Ce mouvement citoyen est absorbé par une crise politique qui dure depuis l’ascension de Jovenel Moïse au pouvoir», dit-il, soulignant qu’il n’y avait pas de «guerre d’égo entre les petro-challengers», comme certains le laissent entendre. «Le pouvoir PHTK avait tout simplement créé des doublures, des faux petro-challengers pour distiller une certaine confusion. Au contraire, s’ils n’étaient pas matures, les jeunes petro-challengers se seraient laissés phagocyter dès le début du mouvement. C’est un jeu d’échec. Cela demande du temps», soutient-il, appelant les petro-challengers à «user d’autres stratégies, contraindre les institutions à agir, être attentifs aux pièges des “petrodilapidateurs”».

Il n’y aura pas de procès PetroCaribe 

Le procès est-il une belle illusion, en dépit des efforts institutionnels du Sénat et de la Cour supérieure des Comptes et du contentieux administratif (CSC/CA)? Le sociologue Ralph Stherson Sénat, qui a suivi avec un regard acéré les mouvements de protestation en automne 2018, n’y est pas allé de main morte. «Il n’y aura pas de procès Petrocaribe», affirme-t-il, arguant que les «fonds volés venaient du Venezuela, et non de l’union Européenne ou des Etats-Unis». Le sociologue croit, d’ailleurs, que ces fonds ne sont pas dépensés, et qu’ils sont dans des banques étrangères et profitent aux économies des pays où ils sont déposés. «Les forces (visibles et souterraines) qui protègent le bourreau sont plus puissantes que celles qui protègent la victime», selon Ralph Stherson Sénat, qui explique l’extinction du mouvement PetroCaribe challenge par la «corruption généralisée dans le pays, le rôle des médias et des ambassades étrangères des puissants pays qui constituent le CORE Group, la précarité des jeunes et la dépendance du pouvoir judiciaire».

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Si les jeunes challengers, ou encore mieux ceux de Nou pap dòmi, se pensent encore maîtres du temps et croient pouvoir dicter le tempo des mouvements de protestation contre la corruption qui est l’un des facteurs qui condamnent Haïti à l’immobilisme depuis des décennies, Ralph Stherson Sénat croit que le ring est vidé de ces combattants. «Chaque groupe de jeunes, entre autres, ceux/celles qui refusaient de dormir (Nou pap dòmi) et ceux/celles qui cherchaient à ne pas se faire complices (Nou pap konplis), avait son propre agenda. Chaque participant(e)s voulait être le porte-parole du “peuple”. La cacophonie créée n’a contribué qu’à leur effacement sur la scène», explique le sociologue. Mais il se veut tout de même moins alarmiste : «Un autre mouvement anticorruption peut refaire surface en charriant les revendications relatives au PetroCaribe.» Il va falloir, dit-il, plus de «cohérence, de sincérité et moins d’opportunistes à l’avenir».

Via The Haitian Times

Un vrai mouvement radical pour changer Haïti 

Il y en a certains que le mouvement PetrocCaribe challenge indispose. «Ce n’était que quelque chose de spectaculaire», soutient, sans ambages, Ralph Jean Baptiste. Selon le philosophe, connu pour son franc-parler, il n’y a pas eu «la recherche d’une prise de conscience massive autour de l’engagement citoyen». Quand on lui objecte que ce mouvement a quand même porté des colères, des désirs mille fois ravalés de la population, sa réponse fuse, comme un éclair: « Ce mouvement ne pouvait aller nulle part. C’était une clique de petits bourgeois, de réactionnaires qui cherchaient à se mettre en vue, des gens qui n’ont jamais eu de position.» Ralph Jean Baptiste ne se retient pas. Il assène: «Il ne peut pas y avoir un mouvement citoyen contre la corruption. Cela ne veut rien dire. Il y a de la corruption partout. On peut faire un mouvement politique pour changer le pays en y incluant la bataille contre la corruption. Mais une bataille contre la corruption avec un gouvernement réactionnaire n’en est pas une.»

Lire aussi: Haïti: espérer quand même en 2020?

«Cet État, quoique branlant, dispose toujours d’assez de ressources pour se renouveler, continuer d’exister par stratégies de saupoudrage, notamment face à des acteurs qui ne comprennent rien dans la politique», rajoute Ralph Jean Baptiste, qui croit, lui, à un «vrai mouvement politique, radical, susceptible de changer cet État». Pour lui, le problème n’est pas la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). Pourtant, celle-ci peine encore à livrer les arrêts de débets contre les hauts fonctionnaires accusés dans les deux premières parties (pas moins de 75%) de son rapport sur la gestion des fonds du PetrocCaribe. Elle peine même à publier la dernière tranche du rapport. Son président, Rogavil Boisguéné, n’a pas répondu aux questions de Port-au-Prince Post qui lui étaient acheminées. Haïti se doit de ne pas rééditer l’expérience du procès de la Consolidation. Entre-temps, des petrodilapidateurs dansent, chantent, dépensent à nouveau l’argent du coronavirus sans la moindre transparence, et préparent timidement les esprits à la tenue d’élections, comme pour perpétuer le règne de l’indigne au pays des zombis.

Où est l’argent de PetroCaribe ? (1)


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