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Moi aussi j’ai acheté du papier de toilettes

3 min read

Cawn Mala OSNÉ

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Cawn Mala Osné,
Montréal

Moi aussi j’ai acheté du papier de toilettes dans l’euphorie collective. Peu conscient de mon acte. Comme beaucoup de gens, je n’ai pas eu au préalable un guide de confinement du genre « confinement pour les nuls » pour anticiper ces dernières journées relativement monotones. J’avoue avoir vécu des évènements spéciaux dans ma vie qui pourraient s’apparenter à cette nouvelle réalité que je suis en train d’expérimenter. Après des catastrophes naturelles telles qu’un séisme et des ouragans, la vie s’arrête un peu pour reprendre son souffle. Et on s’y habitue au fur et à mesure. Les gens, traumatisés, sont emberlificotés dans des quotidiens lourds. Et si on n’avait pas de réponses à toutes nos questions, on se fiait surtout à nos sens quand les avis d’experts ne pouvaient pas tout dire ou prédire.

Nous voilà étrangement calfeutré.e.s chez nous. Une douce prison. Difficile en cette saison printanière attendue avec une longue patience. Confinement. Ce mot résonne dans tous les tympans. Il défraie la chronique partout sur le globe et se traduit dans toutes les langues. J’évite de trop parler de ce virus. Et je prends le soin de l’écrire toujours avec un petit c. Je préfère écouter les experts en parler. En revanche, l’on ne s’habitue jamais au fait de se lever chaque jour pour s’enfermer à la maison. Cependant, c’est par ce moindre geste qu’on puisse contribuer à la solution si on n’a pas de qualification spéciale qui pourrait nécessairement aider dans cette crise.

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D’emblée, je dois dire que je suis un privilégié par rapport aux plus vulnérables. Sans vouloir tomber dans une espèce de narcissisme sous couvert de générosité en pleine crise, je reconnais le fait que je dispose de certaines ressources me permettant de ne pas sombrer dans l’ennui absolu. J’ai une connexion d’internet et de l’électricité 24/24. J’ai les informations utiles. Je suis les points de presse des différents gouvernements. C’en est une chance. Même si je n’ai pas de revenus pour le moment, je peux dire que je vais bien. Mais, comment aller bien quand on reçoit des nouvelles de milliers de gens qui meurent à chaque jour ? Comment aller bien quand on ignore quand cela va s’arrêter ?

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Le temps. Ce n’est plus de l’argent. J’aurais voulu en vendre, mais tout le monde en a profusion. Il n’est plus insaisissable. Il nous touche en pleine face, par sa présence indéniable. Et on s’en moque, car il peut être lassant parce que trop long. Je perds la notion du temps, vous dis-je ; ne sachant plus quel jour il est parfois, car cela m’importe peu. Je ne pensais pas que le bruit du métro pourrait autant me manquer.

En revanche, ce confinement me permet de souffler sur des livres poussiéreux sur mes petites étagères. De reprendre des lectures presqu’expirées parce que trop reportées. De converser avec des auteur.e.s controversé.e.s. La stratégie du choc (Le capitalisme du désastre de Naomi Klein qu’une amie m’avait passé) par exemple. De mettre en parallèle des paradigmes contradictoires. De questionner l’existence. D’écrire ma poésie. De peindre. De faire du work out à la maison. D’être plus à l’écoute de mon entourage. De vouloir apprendre une nouvelle langue ou à jouer un instrument. Et surtout ; j’espère que je serai un meilleur humain si je passe à travers cette épreuve mortelle.


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