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Revoir “La Casa de Papel” au temps du coronavirus !

8 min read

Via Thebuzzpaper

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Par Frédéric Chérestal
Sociologue

“Una mattina mi sono alzato

O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao

Una mattina mi sono alzato

E ho trovato.”

Le thème monte et la mélodie s’amplifie. La voix douce d’une ouvrière agricole italienne entonne cet hymne, vers les années 1918, qui va se transmettre de génération en génération, à travers toute l’Europe, en passant par la seconde guerre mondiale pour aboutir à la période contemporaine, à une série télévisée : “La Casa de Papel.” Ce vendredi 3 avril 2020, la série est de retour sur Netflix, pour une quatrième saison. Sur fond d’actions, de romance et d’un drame contemporain, “La Casa de Papel” remet en cause un ordre économique mondial. En ces temps d’incertitudes, liées en partie à la pandémie du Covid-19, une relecture de cette série est plus que désirée. Et elle tombe à point nommé. Elle peut se décliner sur trois moments :
1) Le moment économique, proposant une reflexion autour de l’argent;
2) Le moment sociologique, avec une analyse des mass médias qui veulent créer notre réalité;
3) Le moment politique, avec des faits inédits de la période du coronavirus.

L’argent n’est pas réel

La Casa de Papel est l’histoire d’un braquage. Pas n’importe lequel. Non! Il ne s’agit pas d’un braquage ordinaire. Un fait presque romantique. La série (les deux premières saisons) se déroule autour du braquage de la “Fabrique Nationale de la Monnaie” et du Timbre d’Espagne. Une bande de Robin des Bois de la période moderne, dont les membres portent des noms de villes, les visages couverts du masque de Dali, occupent la fabrique. Ils l’occupent sans voler un seul sou. L’objectif est d’utiliser des machines (imprimantes de la fabrique) pour y imprimer de l’argent. Leur propre argent. Un total d’ 1 milliard d’euros en billets de 50 et de 100. Un argent qui est fabriqué à partir de rien. Sans aucune base légale. En agissant ainsi, leur leader (El Professor) prétend suivre l’exemple de la Banque centrale européenne (BCE), qui, en 2011, avait injecté plus de 171 milliards d’euros dans les institutions bancaires, pour les supporter pendant la crise économique.

Via Gqmagazine

Cette “création” de monnaie pose le problème de la perception actuelle de la monnaie. L’argent n’est pas réel… L’assertion peut paraître banale, au prime abord. Mais elle a du sens. Beaucoup de sens. L’argent n’existe pas! Pour bien le cerner, il faudra bien pénétrer l’essence de cet instrument d’échange. Comme instrument d’échange, nous connaissons tous la monnaie sous sa forme actuelle de billets de banque et de pièces. La plus grande partie de la monnaie est conservée sous forme de monnaie fiduciaire. Il s’agit d’un argent qui ne peut pas être converti en quelque chose de tangible, de palpable comme de l’or ou de l’argent. En 1971, Le président Richard Nixon aux États-Unis fit le choix de mettre fin à l’étalon-or. Ce qui entraîna plus de facilité pour l’impression des billets et l’augmentation continue de l’inflation. La monnaie que nous connaissons actuellement est soutenue par la confiance des peuples en la capacité de leur État (des États) à la soutenir. Qui a la légitimité pour imprimer l’argent et le mettre en circulation? Sur quelles bases se réalisent de telles opérations? À qui profitent ces impressions? Dans l’ordre mondial capitaliste, ces prérogatives reviennent aux banques centrales. Et justement, à la fin de la saison 2 de la Série, El Profesor relate les injections continues de plusieurs centaines de milliards d’euros de monnaie de la Banque centrale européenne pendant la décennie au profit d’institutions bancaires et au détriment des masses. 

Via LaPresse.ca

Qui sont les vilains? Qui sont les héros?

La réalité contemporaine est ouverte à l’interprétation. Sur la base de points de vue divers et d’arguments multiples, on peut monter de toute pièce sa propre perception de ladite réalité et influencer les décisions des gens. Depuis la période post-2e Guerre mondiale, avec l’industrialisation croissante des activités, la chute du Mur de Berlin, le mouvement des droits des femmes, l’apparition de l’internet et la croissance continue de l’industrie des voyages, les métiers du marketing et de la communication aident grandement à façonner la perception des masses (urbaines et rurales) dans les pays occidentaux. Un ouvrage comme “Propaganda” (Edward Bernays, 1928) est considéré comme une bible et marque le détour dans les métiers de la publicité. Ce qui nous amène à une certaine vision du bien et du mal. Ce qui nous conduit à l’adoption d’un système de valeurs centré sur l’Occident. Au sein de ce dernier, on nous livre une certaine vision du héros (blanc, chrétien, viril, capitaliste, violent, etc) auquel il faut s’adapter. La Casa de Papel remet en question cette perception de la réalité, en imposant des “bandits”, d’origines multiples, comme des héros populaires! Une image anti-système. Avec la pandémie du coronavirus et les réactions des pays occidentaux comparés à d’autres pays (tels Cuba et la Chine) moins “sexy”, la distribution des rôles entre héros et vilains connaît une certaine révision ! On se pose des questions. Dans les pays occidentaux, on ferme les frontières, on rapatrie, on interdit l’accès à des personnes malades, on laisse mourir les plus vieux, on lance des SOS… On est à genoux.  Pendant ce temps, d’autres pays (socialistes) envoient des matériels médicaux, déplacent des médecins, garantissent la logistique et distribuent de l’aide sanitaire gratuitement. 

La fin d’une ère

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Des membres de l’équipage du porte-avion nucléaire USS Theodore Roosevelt sont infectés du coronavirus. Le gouvernement des États-Unis et la US Navy se contredisent sur leur sort. Des médecins italiens appellent au secours, en pleurs, sur les réseaux sociaux. Ils sont dépassés par les évènements et l’Union européenne offre un sourire jaune à l’État Italien. Les hôpitaux français sont débordés. Emmanuel Macron, ancien banquier et actuel Chef d’État de la France, fait un discours anti-système pour rejeter la faute sur le néolibéralisme et ses chimères. Thomas Shaefer, ministre des Finances de l’Allemagne depuis 10 ans, s’est éteint. On évoque la thèse du suicide, en lien avec les probables retombées futures du coronavirus. Le Mexique ordonne la fermeture de ses frontières avec les États-Unis. Des médecins cubains sont à pied d’oeuvre en Italie et dans les départements d’Outre-Mer de la France. Des médecins chinois débarquent en Italie et en Irak; ils sont acceuillis en héros dans les aéroports. CNN rapporte que le Président Russe, Vladimir Poutine, autorise, en accord avec Donald Trump, l’envoi d’un avion-cargo de matériels médicaux aux USA! Ce film se prolonge encore et encore. Ces faits remettent en cause un ordre mondial centré autour de l’Occident, avec les USA comme chef de file. Un goût de fin de règne plane dans l’air. Une odeur de fin cycle. La période récente, remontant à la chute du mur de Berlin en 1989 et l’émergence des USA comme super-puissance et leaders des pays occidentaux, semble prendre fin. La Casa de Papel fait référence à cette fin de règne, un changement de paradigme, une tabula rasa. La série renvoit à la révision d’un ordre mondial fondé sur l’argent et non l’humain. Elle remet en cause l’alliance entre l’État et les institutions économiques nationales mondiales appuyant un capitalisme néolibéralisé, basé sur la quête du profit excessif, qui ne fait que renforcer la fossée entre nantis et démunis. 

Via Narcity

La Casa de Papel revient en force ce vendredi 3 avril sur Netflix pour une quatrième saison. Au-delà d’une simple histoire de braquage, la série remet en question l’ordre économique mondial. Un ordre économique capitaliste, dans sa version ultra-libérale, qui n’est plus soutenable. En plus d’engendrer des crises, à répétition, cette version du système entraîne l’affaiblissement de l’État-nation par l’application d’un ensemble de mesures destructurantes (privatisation d’entreprises étatiques, libéralisation de marché, délocalisation des entreprises, etc.). Ces mesures tendent, justement, à affaiblir les États un peu partout dans le monde et à créer plus de pauvreté. Les masses urbaines et rurales se retrouvent pénalisées en premier. Les décennies de l’évangile néolibéral n’ont fait que créer plus de précarité, plus d’instabilité, plus de misères à travers le monde. À chaque crise économique majeure, l’État part à la rescousse de cet ordre pour le redonner vie en prenant de mesures draconiennes, anti-peuples, à l’aide d’outils divers et en utilisant des institutions financières, bancaires. En ces temps de coronavirus, revisiter la série La Casa de Papel permet, en plus d’échapper à l’inactivité de la période de confinement, de mieux cerner les dessous d’un ordre économique mondial ultra-libéral et essouflé. Le coronavirus n’est que la pointe de l’iceberg. Après la crise sanitaire, on connaîtra, inévitablement, la crise économique. Cette dernière qui affectera, très probablement, avec plus de férocité les pays appauvris et les populations les plus pauvres. Ces pays dont les économies sont dépendantes de support budgétaire étranger et de transferts d’argent de leur diaspora. Pendant que certains guettent les médias, dans l’attente de la découverte d’un médicament miracle (vaccin ou autres); d’autres se retournent vers les saintes écritures des grandes traditions religieuses. 2020 s’annonce très longue. On termine par le commencement… le thème monte et la mélodie s’amplifie : O partigiano portami via! 

O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao! 

O partigiano portami via! 

Ché mi sento di morir.


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