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Comment être sûr du nombre de personnes infectées par le coronavirus en Haïti ?

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Par Juno Jean Baptiste
Twitter: junopappost

Le coronavirus n’apporte pas dans son sillage que de mauvaises découvertes. L’une des rares bonnes découvertes qu’il provoque est que les autorités haïtiennes ne peuvent pas mentir, comme elles le font si souvent, tant les informations générales sur les propriétés du Covid-19 fleurissent. Pour bien gérer la crise du coronavirus, des pays recourent aux mesures les plus laborieuses, comme tester par exemple le maximum de gens, pour contenir du mieux que possible la propagation de la maladie.

Nombre de pays semblent trouver la bonne recette pour limiter les dégâts que risque de provoquer le Covid-19 sur leur territoire respectif: ils testent, ils testent beaucoup plus de gens, beaucoup plus que l’on pourrait l’imaginer. Le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a d’ailleurs moult fois soutenu qu’il faut tester, tester encore et tester toujours.

Dans l’une de ces métaphores dont il a le secret, le numéro un de l’organisme onusien a expliqué qu’en plus de se défendre contre le Covid-19 par le confinement, il faut également l’attaquer par des «tests massifs». Il a encouragé tous les pays du monde entier à aller dans cette voie. Évidemment, les «tests massifs» dont il parlait se sont révélés payants dans plusieurs pays, dont la Corée du Sud et le Singapour.

Ces deux pays, ayant recouru très tôt à des tests à grande échelle, s’en sortent à merveille. Or, le président américain Donald Trump, qui n’a pas voulu emprunter cette voie, en narguant la maladie et en proclamant sa disparition en avril avec la chaleur, en paie aujourd’hui la facture. Salée. Le Covid-19 est en train de faire voir de toutes les couleurs à l’Amérique que le milliardaire a juré de «make great again».

Mais il arrive qu’Haïti est dépourvue de capacité à faire des tests à grande échelle. Il arrive que le pouvoir PHTK a été pris de court par le Covid-19. À dessein. Après un mois à tergiverser autour d’un carnaval imaginaire, sans prendre au sérieux la menace de la pandémie, sans préparer des centres de mise en quarantaine adéquats, sans chercher à sceller des partenariats et retrouver éventuellement des dons (des masques des tests et des respirateurs artificiels), Haïti navigue désormais à vue dans la gestion du coronavirus.

Les autorités tâtonnent. Rien que sur les chiffres. Le Covid-19 exige plus que les mesures de prévention annoncées dans les radios et les télévisions. La ministre de la Santé, Greta Roy, se doit de le savoir et de ne pas s’enfermer dans l’insignifiance de ses petits conforts, comme celui de recevoir des «bokit» d’un petit cadre de l’UNICEF: il faut que davantage d’Haïtiens soient testés, et ainsi isoler les malades et tenir hors d’atteinte la population saine, pour éviter le pire.

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Jusqu’à mercredi dernier, plus d’une cinquantaine de personnes ont étés testées, selon bien sûr le décompte officiel des autorités sanitaires. 8 personnes seulement sont infectées. Ce chiffre suscite à la fois amusement et colère chez des Haïtiennes et des Haïtiens. Pour beaucoup d’observateurs qui suivent avec un regard pour le moins lucide l’actualité du Covid-19 dans d’autres pays, ce chiffre ne reflète guère l’évolution de la maladie au sein de la population d’Haïti.

Pis, Greta Roy verrouille l’accès à l’information. Les sources rechignent à se confier à la presse. Des journalistes du journal en ont fait l’expérience. Avec une recurrence étonnante. Est-ce un ordre du MSPP ? Est-ce pour gommer les hésitations dans la gestion de la crise sanitaire ? Quel a été l’itinéraire du dernier malade? Quels sont les gens qu’il a rencontrés avant de présenter les symptômes? Des questions essentielles lorsqu’on s’attarde sur les pouvoirs de contagion du Covid-19.

La population a besoin de la transparence. La censure imposée par le MSPP alimente les rumeurs, les infox et amplifie les peurs, sinon la panique. Ce jeudi, un directeur sanitaire départemental s’est dit inquiet face à l’abscence de tests rapides alors qu’il assiste, impuissant, à l’augmentation du nombre des cas suspects dans son département. Quand est-ce que le MSPP procédera au dépistage massif de la population? A-t-il les moyens de cette politique tant les options de coopération (accord entre États) se raréfient en ces temps de coronavirus?

Dans l’Haïti qui n’a jamais su depuis des décennies mettre en place un système de santé fort, on se retrouve avec des hôpitaux sans répondant, des personnels médicaux démotivés (parce que mal payés) et on se perd dans l’illusion d’un confinement. Le coronavirus fleurit sur les terres négligentes. En même temps qu’il déshabille les impostures, les manquements et les illusions longtemps endormies. Ne risque-t-on pas de découvrir l’hémorragie dans les semaines à venir?


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