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Que sont devenus les enfants calcinés à Fermathe ?

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Image: AZ Colorear

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Le Conseil éditorial

Ce qui devrait être un drame national s’est révélé, au gré des jours qui filent, un fait banal d’actualité qui n’aura duré que le temps d’un sujet ordinaire de conversation. On passe déjà à autre chose, aux bruits et atermoiements pseudo-politiques qui bloquent continuellement les énergies productrices en Haïti. Dans une République empathique, généreuse, humaniste, la calcination des 15 enfants aurait provoqué beaucoup plus que cette onde de choc passagère.

Sans que les responsabilités ne soient encore fixées, la mort de ces enfants, nos enfants, semble déjà un souvenir évanescent. Les petits anges se sont fait tuer dans un orphelinat insalubre de deux étages, sans électricité, non autorisé à fonctionner mais qui, paradoxalement, fonctionnait. La directrice de l’IBESR a beau jaser dans les médias mais, au grand dam de toute logique, elle est encore ferme au poste. Une douce prime à l’incompétence ?

Il faut croire que la directrice de l’IBESR, 9 ans en fonction, est une mère de famille. Elle est censée être habituée à goûter aux sourires candides, aux joies indescriptibles d’un enfant ou des enfants. On attendait d’elle un acte de courage, un aveu d’échec, après la mort brutale de ces 15 petites âmes. Mais rien n’y fut fait. L’enfance, ces infinies douceurs et beautés qui ne nous quittent jamais, ne lui dit peut-être pas grand-chose.

Les enfants sont morts de leur belle mort. La République les a broyés. De grands médias occidentaux en ont parlé. Dans une République responsable, pour laquelle toute vie compte, de grandes décisions seraient déjà prises, des personnes auraient été déjà arrêtées. Les enfants ne se sont pas retrouvés comme par un tour de magie dans la géhenne de cette crèche maudite de Fermathe. Des étrangers, des Haïtiens qui font leur beurre dans un secteur non scrupuleusement régulé ont certainement des comptes à rendre.

Même si c’est Haïti, rendue misérable aux yeux du monde par des décennies de mauvaise gouvernance, les responsables de la mort de ces enfants doivent en payer le prix. Ce crime est d’autant plus grave qu’il interpelle nos émotions, nos pulsions les plus intimes, rien qu’à imaginer l’enfer qu’ont vécu ces enfants impuissants pris aux pièges des flammes dans le silence de la nuit, dans une bâtisse mal en point. Il n’y a pas de plus horrible que d’être consumé à petit feu par le feu.

À l’égard de l’existence déjà précaire de ces gamins même avant leur trépas, les plus hautes autorités de la République avaient déjà affiché le mépris le plus froid. Cohérentes dans la méchanceté, elles ont donc fait montre de la même indifférence, du même cynisme, au départ des orphelins pour l’au-delà.

Tous les symboles qui concourent à faire d’un pays une République humaniste, généreuse et responsable sont déchus : pas une visite du président de la République sur les lieux du sinistre, pas une prise de parole solennelle, pas un jour de deuil national. Que sont devenus ces enfants calcinés ? Auront-ils droit à une stèle ? Quels sont leurs noms ? Des questions auxquelles la République se doit de répondre.

Il y a une certaine dignité à rétablir même après la mort. La République, notre République, malgré ses imperfections et ses failles, ne saurait l’oublier. Sinon, le spectre lugubre d’innombrables morts sans sépultures hantera Ayiti à jamais.


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