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La dictature du « blakawout »

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Image: 123rf.comPrapan Ngawkeaw

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Par Dashka Louis

L’électricité manque encore cruellement ces jours-ci. Comme une rengaine, la région métropolitaine aussi bien que les villes de province en font les frais. Des quartiers entiers, comme au temps du moyen-âge, sont plongés dans l’obscurité, ce qui met à nu l’incapacité des pouvoirs publics à mieux s’attaquer à la problématique de l’énergie électrique. Fatigués, des citoyens ordinaires autant que des personnalités publiques déversent leur déluge de frustration, tant sur les réseaux sociaux que dans les matinales les plus écoutées à Port-au-Prince et dans l’arrière-pays.

«Dans ma zone, je reçois quelques heures d’électricité une fois parfois! Il n’y a pas d’horaire! Ou jwenn ou jwenn! S’il y a un problème, l’ED’H devrait le dire à ses abonnés», écrit le journaliste Robenson Geffrard. « Depi kilè nou wè kouran bò lakay nou? », maugrée, sur Twitter, sur le ton de la boutade, Filemon (@sanchristobal3), littéralement affecté, comme beaucoup d’autres citoyens, par la carence d’électricité qui porte prejudice au cours normal de la vie de tous les jours. Les commentaires fielleux du genre continuent encore à pleuvoir. Pourtant, le président de la République a, pendant deux ans, promis que le pays allait être électrifié 24/24. Comble de la déception, cette promesse, à laquelle nous a habitué le «primum inter paris», ne s’est jamais matérialisée dans la glaise du réel.

Le président de la République ne s’est jamais rendu à l’évidence qu’il s’en irait tout droit dans un mur avec une promesse non assortie d’études techniques pertinentes se pliant aux exigences de l’espace et du temps. Deux ans après, l’échec étant acté, il a vite designé, à tort ou à raison, les fournisseurs privés du courant électrique en bouc-émissaires, les accusant de «surfacturation». Certains zélés du pouvoir sont allés jusqu’à les étiqueter de «marchands de black-out». Et, à l’unisson, tout l’appareil étatico-institutionnel s’est mis en branle. Le judiciare, oridinairement moribond, est devenu soudain dynamique dans le cadre de ce dossier. L’espace d’un cillement, des mandats ont été émis, les centrales électriques de Varreux confisquées. Les Vorbe, régulièrement inculpés ou pas, se sont temporairement mis à couvert, l’audition de Jean Marie Vorbe par le juge instructeur Merlan Belabre ayant encore fait jaser les fanatiques d’un camp comme de l’autre la semaine écoulée. Mais, force est de constater que des mois après, le vrai problème reste entier. L’électricité est encore une denrée rare dans les ménages.

Sur chaque 100 Caraïbéens privés d’électricité, plus de 75 vivent en Haïti

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Loin de ces querelles de chapelle, la problématique de l’énergie électrique en Haïti devrait se confondre à celle du nécessaire développement du pays. La lute contre le black-out ne devrait souffrir d’aucune polémique, car sans énergie électrique garantie, c’est la floraison de l’économie nationale qui est renvoyée aux calendes grecques. Sur chaque groupe de 100 Caraïbéens privés d’électricité, plus de 75 vivent en Haïti, selon l’Autorité nationale de régulation du secteur de l’énergie (ANARSE). Des chiffres très évocateurs de l’approvisionnement rachitique de notre pays en énergie électrique.

À l’échelle nationale, seulement 38% des ménages avaient accès à l’électricité en 2012, selon un rapport de la Banque mondiale paru en 2018. Et, la situation ne s’est guère améliorée car, selon l’ANARSE, la capacité installée d’Haïti en matière d’énergie électrique n’excède pas 300 mégawatts. Un chiffre très dérisoire comparativement aux 5016 mégawatts actuels de la République Dominicaine qui projette, en 2023, d’atteindre 5616 mégawatts, soit 600 mégwatts additionels en 3 ans. Le constat est des plus navrants.

À défaut d’un partenariat public-privé efficace dans ce secteur combien vital pour notre économie, le pays, au cours des derniers mois, a assisté à une mise en scène improductive entre deux camps, à une instrumentalisation politique d’une problématique réelle, sans que la question, dans son essence, ne soit abordée. Les pro PHTK et pro Vorbe continuent à s’affronter puérilement: sur les réseaux sociaux notamment, les coups de “Jovenel se nouvo nèg Blakawout la!” se substituent au slogan “Dimitri Vorbe se nèg Blakawout la!”. Entre-temps, le black-out s’installe plus souverainement que jamais, et ceci, depuis plusieurs mois, sans qu’acune note de l’EDH, institution extrêmement déficitaire, ne vienne calmer, ne serait-ce que minimalement, les inquiétudes.


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