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Haïti: 10 ans après le séisme, l’économie nationale est encore sans squelette

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Image: Freepik

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Par Carlos DODIEU,
Économiste
, Analyste financier

Dix ans après l’hécatombe du 12 janvier 2010, l’économie d’Haïti est encore privée de squelette. Le squelette d’une économie s’entend des infrastructures sous forme de ports, de routes, de télécommunications, d’électricité et d’eau potable. Ces infrastructures remplissent deux fonctions cruciales : d’une part, elles fournissent des services essentiels et offrent la capacité aux agents économiques d’avoir une activité de production ; d’autre part, elles créent des impacts positifs sur l’activité économique dans son ensemble (externalités positives) en facilitant la connexion entre les citoyens et les différents circuits de commercialisation (les marchés), tout en incitant les investissements privés à même d’induire la croissance (Barro,1990).

La qualité des services de transport et de logistique en Haïti n’est pas au rendez-vous. L’approvisionnement en électricité et en eau fait cruellement défaut. Le réseau routier haïtien est en piteux état, ce qui génère une augmentation superflue des coûts. Haïti est moins intégrée aux réseaux maritimes mondiaux que de nombreux pays en développement, ce qui est reflété dans ses scores médiocres pour de nombreux indicateurs relatifs aux infrastructures, notamment l’accès à l’électricité, aux routes et aux ports.

En se référant à l’indice global de la performance logistique de la Banque mondiale (LPI) relatif au commerce dans six domaines fondamentaux, à savoir les douanes, l’infrastructure, les expéditions internationales, la compétence logistique, la traçabilité et le suivi ainsi que le respect des délais de livraison, on peut dire que la situation d’Haïti, de janvier 2010 à nos jours, a encore empiré. En effet, le pays est passé du 98e en 2010 au 153e rang en 2012 et en 2018. Il feint d’améliorer en 2014 en occupant le 144e rang pour replonger au 159e en 2016 sur 160 pays en termes de performance logistique globalement. Eu égard aux infrastructures spécifiquement, Haïti est passé du 108e rang en 2010 au 151e rang 2014 et au 147e rang en 2018 sur 160 pays. Pour les transactions douanières, le pays était classé 121e en 2010 contre 158e en 2016 et 142e en 2018. L’inefficacité et l’inefficience des transports, qu’ils soient routiers, maritimes ou aériens, corroborent donc la faiblesse de la compétitivité d’Haïti au cours de la décennie 2010-2020.

Source: Banque mondiale (données)

Les dépenses en capital de l’État, devant permettre aux pouvoirs publics d’établir les infrastructures nécessaires, accusent des taux relativement faibles en pourcentage du PIB au cours de la dernière décennie : 2010 (3,64 %) ; 2011 (2,27 %) ; 2012 (3,75 %) ; 2013 (3,69 %) ; 2014 (1,89 %) ; 2015 (1,47 %) ; 2016 (1,22 %) ; 2017 (1,08 %) et 2018 (1,34 %).

Source: BRH (données)

Le séisme du 12 janvier 2010, en dépit du malheur qu’il charrie, aurait pu être une occasion pour l’État de mettre l’emphase sur les services et sur les infrastructures de base constitutives du squelette de l’économie nationale. En d’autres termes, le choix des investissements publics devait reposer sur la prise en considération des projets, politiques et réglementations publiques capables de construire les conditions sine qua non du développement d’Haïti, à savoir, la mise en place des infrastructures de base que sont les routes, l’électricité, les ports susceptibles d’accélérer le rythme de capital physique de l’économie (Solow, 1950). Malheureusement, corruption et manque de vision aidant, rien de tout cela n’a été fait.

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Bien que les infrastructures aient une dimension très fortement capitalistique (elles nécessitent beaucoup d’argent), Haïti aurait pu s’en sortir avec les fonds reçus de Petrocaribe et ceux collectés dans le cadre de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH). Malheureusement, la société civile et les institutions étatiques de contrôle n’ont pas su tirer la sonnette d’alarme en temps réel, ce qui explique, qu’en 2020, on déplore encore la dilapidation de plusieurs milliards de dollars US préjudiciables au développement du pays et que les dilapidateurs n’encourent presque pas la sanction de restitution des deniers du peuple frauduleusement soustraits.

En somme, au cours de la dernière décennie, la corruption en Haïti a atteint son paroxysme, empêchant, du coup, la constitution du squelette de l’économie nationale. Les ressources financières devant contribuer à la mise en place des infrastructures et au développement d’Haïti se sont évaporées par l’appropriation illégale des deniers de l’État par une élite politique corrompue et une mafia économique tant nationale qu’internationale avide de prébendes et de concussions. Des sommes importantes ont été allouées à des projets fantômes, au grand dam de l’ossature de notre économie déjà exsangue et grabataire. Alors que le séisme a permis à Haïti d’être sous les feux projecteurs des bailleurs de fonds internationaux, une mauvaise planification a valu à la montagne l’accouchement d’une souris, faute d’investissements efficaces et efficients dans les infrastructures de base. Un galvaudage de plus dont nous devrons collectivement nous remettre au cours de la décennie 2020-2030.


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