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Pour des indicateurs économiques qui passent au vert en 2020

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Crédit Photo: Thinkstock, Collection: iStock, Onypix

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Par John Herrick DESSOURCES
Economiste-planificateur , le 31 Décembre 2019

2019 a été pour Ayiti une année économique difficile. Le planificateur économiste Herrick Dessources fait un rappel, pour Port-au-Prince Post, de quelques indicateurs et propose des pistes pour un 2020 moins inquiétant.

Des indicateurs économiques au rouge. Ayiti boucle l’année 2019 avec un tableau sombre et une note négative dans tous les rapports nationaux et internationaux. En effet, le pays a été marqué en 2018-2019 par un taux de croissance négatif de -1,2%. C’est une économie en pleine récession qui n’a pas connu une pareille situation depuis le passage du tremblement de terre de 2010.

Tous les secteurs économiques nationaux sont touchés par la catastrophe. De leur côté, le tourisme et l’agriculture restent incontestablement les plus affectés du fait de leur fragilité et de leur dépendance à de multiples facteurs.  

Sur fond d’instabilité politique ponctuée particulièrement par les effets de trois « peyi lòk » en juillet et en octobre 2018 puis en février 2019, la machine institutionnelle en place n’a pas su limiter les dégâts prévus au début du dernier exercice fiscal. Les responsables n’ont pas pu mettre en place un  gouvernement légal et légitime depuis mars 2019. Les décisions essentielles ayant une incidence à long terme sur les besoins structurels ont été automatiquement mises en attente. Ceci explique le fait que le budget 2017-2018 a été reconduit en 2018-2019 et n’a toujours pas été remplacé en décembre 2019.

Par ailleurs, les partis pris de la gouvernance économique sont sans doute en inadéquation avec les exigences de la stabilité et du progrès. Le cadre de l’exécution budgétaire non renforcé dans les faits, malgré les mesures annoncées par les responsables, est sans doute significatif en ce sens. Il s’en est suivi des dépenses non contrôlées qui enfoncent davantage le déficit public.  

Le déficit public est couplé à la dépréciation monétaire, et les deux entrainent une inflation galopante, au taux de 20,3% en fin d’exercice fiscal. Il faut rappeler que le taux de change est passé de 71 gourdes pour 1 dollar américain en octobre 2018 à 93 gourdes pour 1 dollar américain en septembre 2019. Il a subi un glissement mensuel moyen de 2% durant toute la période.

Le classement d’Ayiti dans le rapport Doing Business cette année (179e sur 190 pays) est également un reflet de la situation catastrophique. Nombre d’établissements ont fermé boutique à cause de l’environnement global des affaires et des troubles politiques. Aucune évaluation fiable, à date, des impacts de ce phénomène sur le taux de chômage ne peut être évoquée. Mais il demeure que le pouvoir d’achat des Ayitiens s’est considérablement détérioré en 2018-2019. 

Ayiti risque de supporter encore longtemps les coûts économiques de la grave crise politique qui l’a secoué récemment. La nouvelle année s’ouvre demain avec les impacts des huit semaines de blocage vécues en septembre et en octobre. La corruption qui est un des éléments incontournables de cette crise complique la situation et assombrit les perspectives d’un 2020 moins inquiétant.

Il est difficile d’espérer un redressement radical de la situation conduisant à un taux de croissance dépassant la barre de 1% à la fin de l’an prochain, si on peut se référer aux estimations du Fonds monétaire international (FMI). Cependant des efforts peuvent être envisagés, qui viendront marquer le départ vers le changement.

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D’abord, il faut un plaidoyer pour que le budget 2019-2020 à paraître bientôt prenne en considération les grands défis économiques et sociaux tout en créant les conditions de la croissance. En général, plus de 80% des ressources disponibles alimentent les dépenses de fonctionnement, pour la plupart, injustifiées, ce qui ne laisse pas de marge significative pour des investissements publics nécessaires dans les secteurs à fort potentiel. Plutôt qu’un prétexte au gaspillage, le manque de ressources peut être une justification à plus de rationalité dans la gestion publique.

Les efforts pour améliorer et renforcer la sécurité des entreprises, des vies et des biens, en général sont aussi un indicateur à surveiller de près. Notamment le secteur touristique  qui dépend en majeure partie d’un climat sécuritaire favorable. En 2019, le taux d’hébergement dans les hôtels et autres établissements à travers le pays a chuté en dessous de 10%. Il faut un engagement pour sortir Ayiti de la carte des États interdits. C’est aussi un engagement pour la protection de plusieurs milliers d’emplois permanents et périodiques.     

Enfin, les utilisations des ressources de la coopération internationale peuvent être placées au cœur des grandes revendications pour une meilleure orientation et des résultats plus durables. Quels types d’investissement ? Quels secteurs ? Telles sont les questions qui méritent d’être posées dans la perspective d’un suivi plus efficace. Chaque nouveau dollar dépensé a un impact à court et à long terme sur l’économie.

Pour des indicateurs économiques passant au vert en 2020, il faut des choix et un engagement adéquats. Aucune croissance n’est possible dans un environnement instable dominé par la mauvaise gestion et la corruption.

Heureuse année 2020 !    


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