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Finance et technologie : entre idées, chantiers et espoir pour Haïti

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Par Bota Wany P. JOSEPH
Licencié en Droit

Les 28, 29 et 30 avril 2020, la Banque de la République d’Haïti (BRH) et ses partenaires que sont le Groupe Croissance, Profit et Profin ont pris, en plein coeur de la pandémie de Covid-19, la mesure de la multiplicité des défis auxquels le système financier haïtien est appelé à faire face. Si des questions structurelles s’articulant autour de la résilience du système bancaire, de sa capacité à financer le développement du pays en impactant l’économie réelle sont encore d’actualité, il fallait, cette année, y ajouter, de toute évidence, une réflexion spécifique qui puisse tenir compte des enjeux conjugués de la lutte contre le coronavirus et des efforts en vue de la relance économique après la crise globale y relative. Le tout, dans un schéma englobant de prise en compte des multiples outils technologiques rendus désormais exploitables grâce aux applications récentes des opportunités de la physique quantique.

Comprendre les modalités qu’appelle la volonté de “Financer la réponse au Covid-19 et de préparer l’après-crise” revient à décliner un ensemble de pré-requis sans lesquels tout échafaudage conceptuel ne serait que “voeu pieux” et toute envolée oratoire ne serait que pure phraséologie. En ce sens, les thèmes abordés se devaient d’être à une hauteur de vue générale sans laquelle on parlerait de tout, sauf d’Haïti et de tout le cortège de disruption économique et financière traîné par ce pays. Les intervenants, les uns plus fins que les autres, ont témoigné d’une maîtrise théorique hors du commun au point qu’il ne reste qu’à attendre la mise en application de toute la gamme des outils prospectifs qu’ils ont fait miroiter au cours de leurs brillantes interventions.

Les organisateurs et concepteurs de la 10e édition du Sommet Internatinal de la Finance et de la 5e édition de la Fintech l’ont annoncé et ils l’ont fait: réussir virtuellement les assises malgré la pandémie du coronavirus. C’est une réalisation qui tient lieu de preuve de la capacité d’Haïti de s’adapter au nouveau paradigme imposé par le Covid-19 depuis des mois. En effet, l’internaute haïtien a pu voir et écouter des intervenants sous des cieux divers, éparpillés un peu partout à travers le monde, qui ont pris la parole à tour de rôle sur leur domaine d’expertise respectif. Cette approche à elle-même charrie, en filigrane, la nécessité de démocratiser l’accès à l’électricité, à l’internet haut débit, aux téléphones intelligents et à l’accélération du processus d’alphanétisation, des questions si chères au Groupe Croissance, entre autres.

Conscient des multiples opportunités que recèle le numérique dans un monde qui va vite, même très vite, le gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois, soutient qu’il est «une obligation pour Haïti de ne pas râter le train des innovations technologiques applicables dans le monde de la finance». Le patron de la BRH, croyant que le monde de la finance en Haïti doit nécessairement se mettre au diapason des évolutions technologiques mondiales, va jusqu’à ambitionner la «conceptualisation suivie de l’effectivité future d’une monnaie numérique haïtienne». « Les conditions dans lesquelles se tiennent les assisses de 2020 révèlent une capacité d’adaptation qu’on gagnerait à reproduire à une échelle nationale dans une société figée dans la torpeur d’une croissance anémique sur les quatre dernières décennies», a indiqué, de son côté, le directeur général de la BRH Ronald Gabriel.

« L’impact des TIC sur la finance, le rôle de la technologie dans l’éducation, les enjeux du Bitcoin, l’inclusion financière à travers les TIC, tous traités dans les précédentes éditions, rencontrent à point nommé les besoins de réflexion du thème particulier de l’édition actuelle. Nous avons donc, s’il en est besoin, le minimum de prérequis pour asseoir l’action de “Financer la réponse au COVID-19 et préparer l’après-crise”», a affirmé Ronald Gabriel, rappelant que c’est l’occasion de «s’écarter de toute tentation de repli sur soi». Le banquier, dans un long discours, a cité en exemple le mobile-banking, en vue de «sauter la barrière de la proximité dans l’accès aux services financiers et qui, dans ce contexte, aurait pu permettre d’adresser le besoin de la distanciation sociale dans les transactions financières au niveau des banques commerciales».

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Le défi de l’après crise

L’expérience montre qu’ici les bonnes intentions et les meilleurs plans ne manquent jamais. C’est leur mise en œuvre qui s’est toujours fracassée sur le réel. Quels sont les goulots d’etranglement qui entravent la démocratisation de l’utilisation des outils numériques en Haiti comme vecteurs de transactions financières ? L’économiste Riphard Sérent indique que la «démocratisation des outils numériques en faveur d’une accéleration des transactions financières dans l’économie nécessite l’implication d’un ensemble d’acteurs», tant du secteur public que du secteur privé. «Cette harmonisation qui devrait exister entre ces acteurs n’existe pas, à cause de la fragilité de l’environnement politique et d’un manque véritable de velléité au plus haut niveau de l’Etat à placer le numérique au centre de la croissance et du développement.»  

Dans le contexte de la pandémie du Covid-19, comment parler du financement de l’après-crise ? Quelles sont les projections des manques à gagner d’ici la fin de l’année ?
“Le finacement de l’après crise dépendra de l’impact de la pandémie sur l’économie et aussi du support reçu des bailleurs internationaux”, explique Carl-Henri Prophète. «Si les recettes de l’État baissent à l’excès, le financement de l’après crise sera plus compliqué», balance l’économiste, qui travaille au département d’analyse économique de la BRH, soulignant que cela dépendra aussi de la durée et de l’ampleur de la pandémie. «Il y a des discussions en cours entre les autorités monétaires et budgétaires haitiennes, ainsi que le FMI, pour la signature d’un accord financier d’ici la fin de l’année. Si cela se concrétise, l’accord ouvrira la voie à une hausse du financement des bailleurs internationaux», dit-il.

Dans ce contexte délicat de crise sanitaire sans précédent, la BRH a «mis en œuvre un ensemble de mesures visant à alléger les contraintes qui pèsent sur le système financier», a rappelé son gouverneur Jean Baden Dubois. «Ces mesures consistent, entre autres, à réduire le taux d’intérêt directeur et les coefficients de réserves obligatoires sur les passifs libellés en gourdes et en devises étrangères des banques commerciales, à limiter temporairement les coûts de transaction pour les clients en décalant les remboursements des prêts, et à diminuer le coût d’accès à la liquidité pour les banques à travers la baisse du taux de prise en pension des bons BRH et la suspension des frais relatifs aux virements interbancaires pour les clients», selon le gouverneur.

Les meilleures déclarations d’intention risquent de ne pas se matérialiser dans la glaise du réel si les signaux ne suivent pas en termes de gouvernance publique, au plus haut niveau de l’État. À l’effort appréciable de la BRH doit correspondre la volonté politique des décideurs des pouvoirs exécutif et législatif et, dans une moindre mesure, la bonne foi des banques commerciales.


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