La dictature du confinement
2 min readAnne-Merline Eugène
Montréal, 30 mars 2020
Sous l’insistance de ma fille, nous sommes sorties de la maison pour faire une marche. C’est la première fois en 15 jours de confinement qu’elle m’a autant pressurée pour sortir. Il est 17h. Il pleuvine. Dehors, il n’y a pas âme qui vive. Un constat à glacer le sang. Dire que nous nous promenons dans cette zone qui abrite l’un des plus grands centres commerciaux du quartier.
L’hiver a été éprouvant. Nous guettions sans arrêt son départ et attendions le printemps pour déposer ces lourds manteaux que nous trimballons à longueur de journée. Nous attendions avec impatience ce moment pour pouvoir enfin renouer avec nos bonnes habitudes et reprendre contact avec le bonheur que procure la fraicheur du printemps. Mais le confinement, dans son implacabilité, en a tout bonnement décidé autrement. Rien n’est possible depuis. Tout s’est arrêté. Même le temps. Coincé entre quatre murs nous nous soumettons volontiers à la routine. Elle est si assommante que le temps ne parait plus ce qu’il était. Furtif. Insaisissable… Depuis le confinement il est à portée de main. Il est palpable et ne nous file plus entre les doigts. Plus besoin de le contrôler. Il est tellement présent qu’on s’en lasse. Toutefois on cherche à le combler, à en faire des souvenir inoubliables. Quoi de mieux qu’une bonne marche!
Ma fille est surexcitée. Elle n’a pas vécu cela depuis longtemps. Son cœur d’enfant palpite au rythme de ces petits pas, elle est pressée de revoir le monde. Son innocence et son ingénuité la maintiennent loin de la réalité. Elle sautille de joie et pointe des arcs-en-ciel scotchés à des fenêtres rappelant que la vie reprendra, et que tout ira pour le mieux. Ça va bien aller! Ce crédo désormais accroché sur toutes les lèvres est devenu un mot-clé populaire sur la toile, et fait miroiter un retour à la vie normale.
Dehors ma fille respire un air bien meilleur que celui du confinement. Elle aurait voulu y passer tout l’après-midi, mais nous devons reprendre notre minable routine. Celle qui, en plus de miner notre sociabilité et notre liberté, rend fade notre vie.
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