Diego Maradona, l’art d’une vie impossible

Par Paul Junior Prudent

Divinisé, aimé et vénéré partout sur la planète, mais aussi jugé et critiqué tout au long de sa carrière et même après, Diego Armando Maradona était à la fois bon et mauvais, génie destructeur et grande gueule, diable et dieu. Il intriguait. Il était l’homme des contraires réconciliables. Légende incontestée sur et en dehors du terrain, il s’est éteint mercredi. Il avait 60 ans.

Fils de Diego Maradona “Chitoro” et de Dalma Salvadora Franco ‘Doña Tota’, le champion du monde 1986 avec l’Argentine au Mexique était le cinquième enfant et le premier garçon d’une fratrie de 8 enfants. Il a eu une enfance difficile et a grandi à Villa Fiorito, un bidonville abandonné de la province de Buenos Aires en Argentine.

Né dans une famille très pauvre, Diego Maradona a confessé que parfois quand la nourriture arrivait à la maison, sa mère prétextait avoir mal au ventre pour ne pas manger. Plus tard, à l’âge de 13 ans, il a réalisé que sa mère a choisi cette tactique juste pour s’assurer que les enfants mangent quelque chose avant d’aller au lit, parce que la nourriture n’était pas assez pour tout le monde.

Alors qu’il était encore enfant, il a commencé à attirer l’attention de tout le monde sur sa technique et sa confiance balle aux pieds. Ses débuts en première division ont eu lieu le 20 octobre 1976 avec son premier club professionnel, les Argentinos Juniors, dix jours avant son 16e anniversaire, lors d’une défaite 1-0 contre Talleres. Ce jour-là, Maradona portait le dossard 16 et il a foulé la pelouse en tant que remplaçant.

Diego a lui-même raconté qu’avant sa rentrée, son entraîneur lui a montré toute sa confiance en lui disant de jouer comme il en a l’habitude. Et selon les témoignages, sa première touche de balle fut une action de génie. Dos au but, un défenseur dans son dos, Maradona a feinté un mouvement vers le ballon pour ensuite exécuter un petit pont sur son vis-à-vis, ce qui a suscité un « Oleee » du public.

Ce fut l’un des multiples gestes techniques qui a rendu celui qu’on surnomme « El Pibe De Oro » très célèbre et aimé par les fans du club malgré son très jeune âge. À la mi-temps des matches, Maradona s’amusait à jongler avec le ballon pour divertir les fans, ce qui lui a rendu encore un peu plus populaire.
 
Déclaré trop jeune à 18 ans, bien qu’il ait disputé quelques matchs avec la Sélection Nationale, l’entraîneur, César Luis Menotti, l’a laissé hors de l’effectif de la Coupe du monde que l’Albiceleste a disputée et remportée dans son pays en 1978. L’année suivante, Maradona remportera la Coupe du Monde U-20 dont il fut le meilleur joueur avec un total de 6 buts marqués.

En 1981, Maradona signe avec son club de rêve, Boca Juniors. Lors de son passage, il remporte le titre du championnat national avec Boca et une victoire mémorable 3-0 sur leur éternel rival River Plate. Dans ce match, Maradona inscrira un but d’anthologie qui restera gravé pour toujours dans la mémoire des Argentins. Il débarque au FC Barcelone en 1982 après s’être établi comme le meilleur joueur argentin et une véritable attraction mondiale.
 
L’expérience au Barça fut mitigée. C’était une étape sans véritable gloire, remplie d’obstacles, entre blessures et l’hépatite qui l’empêchaient de s’exprimer. Il laissa le club Catalan sous le feu des critiques après avoir été impliqué dans une bagarre généralisée lors d’une finale de Coupe du Roi sous les regards du Roi d’Espagne présent dans les tribunes. Il ne remporte pas la Liga, mais arrive à soulever les trophées de Coupe du Roi, Coupe de la Ligue et Super Coupe de la Ligue.

De l’Italie, Naples a bondi sur l’opportunité d’acquérir un Maradona dévalorisé à cette époque. C’était en 1984. Et, dans le sud marginalisé de l’Italie, une histoire d’amour allait naître entre le numéro 10 Argentin et la ville de la Camorra. Débarqué dans un club sans histoire, Diego a défié les grands clubs riches du Nord pour permettre à Naples de remporter deux titres de Serie A et une Coupe d’Italie.

Avec la sélection d’Argentine , lors de la Coupe du Monde 1986 au Mexique, Maradona éblouit le monde par son talent. Il termine meilleur joueur de la compétition en inscrivant 5 buts et 5 passes décisives. Le monde retiendra surtout ce match contre l’Angleterre en quart de finale où Maradona inscrira 2 buts célèbres. Une de la main, qu’il indentifiera comme la « La mano de Dios », et un autre but considéré pour beaucoup d’observateurs comme le plus beau but de l’histoire de la coupe du monde.

Revenu en champion du monde en Italie, Maradona a continué de terroriser ses adversaires. Il finit meilleur buteur de la Serie A en 1988 et il a transformé une équipe napolitaine, dont le palmarès était historiquement rachitique, en un véritable «contender» sur la scène européenne. Avec lui, Naples a également remporté le titre de Coupe de l’UEFA en 1989. Il était devenu une idole à un point tel que, lors de la coupe du monde de 1990 en Italie, des Napolitains ont préféré le supporter contre la sélection italienne en demie finale.
 
Diego était considéré comme une figure divine au-dessus des mortels à Naples et en Italie. Mais à l’approche du crépuscule de sa carrière, cette solennité qui illuminait son image s’estompait. Il échoue avec la sélection d’Argentine an finale de la Coupe du monde en 1990 contre l’Allemagne. Un an plus tard, il est condamné à 15 mois de suspension pour consommation de cocaïne. Ce qui lui força à quitter Naples sous la pression des critiques des médias.

Après sa suspension, il a tenté de relancer sa carrière à Séville et à Newell’s Old Boys, mais le génie commençait à décliner. Ce qui allait précipiter sa retraite et son expulsion lors de la Coupe du Monde 1994 aux Etats-Unis par la Fifa, après qu’il avait été testé positif à l’éphédrine. El «Pibe de Oro» (le gamin en or) est suspendu à nouveau de 15 mois. Celui qui est très critique contre les Etats-Unis, devenu  proche de Fidel Castro et de Hugo Chavez (ennemis des américains), déclara un peu plus tard qu’il était victime d’un «complot politique».

Diego Maradona a finalement dit au revoir au football en 1997, après un bref retour à Boca Juniors. Il a tenté une carrière d’entraîneur et a pu réaliser son rêve de diriger la sélection argentine de football de 2008 à 2010 avec, à la clé, un bilan peu flatteur. L’équipe qu’il entraîna fut balayée en quarts de finale par l’Allemagne sous le score de 4 à 0. Un peu plus tard, il s’est résolu à démissionner. Il a par la suite entraîné des clubs de seconde zone à Dubaï, Émirat Arabes et au Mexique. Sans grand succès.

Ses déclarations, ses combats et ses différends juridiques l’ont mis à plusieurs reprises dans l’œil du cyclone. Maradona a dénoncé criminellement son ex-femme, a passé des années sans reconnaître plusieurs de ses enfants, a été filmé alors qu’il battait son ex-partenaire Rocío Oliva et a également été accusé d’abus sexuels par un journaliste russe. Il a critiqué l’Église catholique, la FIFA. Il s’est engagé politiquement et n’a jamais dissimulé son amour pour des leaders de la gauche latino-américaine. Soit on l’aimait. Soit on le détestait.

Le lundi 2 novembre, il a été admis à La Plata pour anémie, et déshydratation. Puis il a dû être opéré pour un hématome à la tête. Victime d’une crise cardiaque, la mort de Maradona est un choc, un événement triste pour toute la planète. L’un des hommes les plus populaires de la planète pour son génie balle aux pieds, mais aussi pour son caractère et sa personnalité controversée, laisse un héritage immense. On ne reverra plus jamais le nain survolté dans les travées d’un stade pour son pays…

Port-au-Prince Post

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