Tourisme, opportunités économiques, coronavirus, à quoi s’ouvrent nos frontières ?
6 min readPar Bota Wany P. Joseph
Le monde est à la peine face à la Covid-19. Le tourisme mondial est asphyxié et accuse des pertes faramineuses. Des villes et des pays se reconfinent après avoir procédé au déconfinement. Paradoxalement, le pouvoir PHTK, sinon naïf, du moins euphorique, ouvre les frontières d’Haïti. Une entreprise potentiellement périlleuse qui charrie son lot de risques et d’incertitudes.
Le pays s’ouvre. Les prévisions alarmistes du Dr William Pape, co-président de la cellule scientifique, tombent comme des cacahuètes. Haïti a évité, du moins jusqu’à présent, le spectre des « 20 000 morts et plusieurs centaines de milliers de cas d’infectés annoncés en juin », selon on ne sait quelle étude scientifique de fin avril. Sur cette base, l’administration PHTK s’est empressée d’« ouvrir » l’économie, en annonçant l’ouverture des aéroports, la levée partielle du couvre-feu qui passe désormais de minuit à 4 heures du matin, même s’il faut souligner que le pays fonctionnait comme si de rien n’était depuis l’irruption de la maladie et que le « confinement » s’est révélé un mot aux résonnances occidentales.
Le président de la République a parlé d’une « réouverture graduelle du pays ». Mais, à la vérité, ce que semble chercher le pouvoir est plutôt d’engranger d’hypothétiques taxes provenant de l’ouverture des frontières, aux fins de couvrir des manques à gagner dans le dernier budget adopté en conseil des ministres. Il y a d’ailleurs deux mois, la décision de forcer les travailleurs à regagner les parcs industriels participait également de cette velléité.
Confinement, déconfinement et reconfinement
Y a-t-il trop d’argent à perdre dans le fait de tenir fermées les frontières aériennes et terrestres ? La question vaut son pesant d’or d’autant que cette administration n’en finit d’accuser des déficits budgétaires énormes. Tous les indicateurs économiques du pays sont au rouge, et cela ne date même pas de la pandémie de Covid-19. Alors, faut-il sauver les meubles, si meubles il y en a ? Le pouvoir prétend, en tout cas, avoir trouvé la recette : ouvrir les frontières terrestres et aériennes. Des citoyennes et citoyens des Etats-Unis, de la France, du Canada et de la République dominicaine, entre autres, sont désormais autorisés à fouler le sol national avec tout le cortège de risques sanitaires que cela charrie.
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Alors qu’Haïti se targue d’avoir passé l’orage, de nombreux pays, de nombreuses villes se sont retrouvés à reconfiner leurs populations après s’être précipités à autoriser le déconfinement au motif de « sauver » l’économie. Du nombre, des états américains. Le Texas et la Floride, tous deux des états qui n’ont pas des yeux de Chimène pour la question du confinement, ont dû procéder au reconfinement, le coronavirus ayant rebondi à la hausse. Des plages de Los Angeles, en Californie, ont dû même fermer à la hâte. Et pour ne rien arranger, la barre de 1000 décès a été franchie le 30 juin dernier au pays de l’Oncle Sam, ce qui ne s’était pas produit depuis le 10 Juin.
Le dur rappel des faits
Les Etats-Unis sont encore en proie aux ravages de la Covid-19. En date du 30 juin, 42 528 nouvelles infections y ont été enregistrées. Le Dr Anthony Fauci, le monsieur Covid-19 de la Maison blanche, n’a pas mis de gants mardi dernier. « Il est évident que nous perdons le contrôle de la maladie actuellement. » Le spécialiste dit redouter les 100 000 cas par jour. Parmi ces États touchés par le regain du coronavirus, la Floride semble la plus menacée. Il n’est pas vain de rappeler que la Floride abrite l’une des plus importantes (quantitativement) communautés haïtiennes de la diaspora et que les premiers avions à atterrir le 1er juillet 2020 sont en provenance de cet État, fleuron du tourisme américain. En dépit de son climat pourtant tropical, le “Sunshine State” continue depuis peu de comptabiliser par milliers les nouveaux cas de coronavirus, selon l’AFP, qui cite des autorités locales.
En levant partiellement le couvre-feu pour le faire passer de minuit à 4 heures du matin, le pouvoir PHTK, qui fait montre d’une grande opacité dans les dépenses liées à la Covid-19, joue gros. Cette annonce s’apparente à une carte blanche aux restaurants, aux « atè plat », aux piscines, tous des lieux qui attirent une frange importante des jeunesses de notre pays. Des espaces propices à la propagation exponentielle du coronavirus. Ce qui est arrivé en Floride en témoigne. En effet, on y observe une explosion de la maladie chez les jeunes qui ont renoué avec les plages et la vie nocturne depuis le déconfinement opéré début juin.
Le coronavirus a la vie dure
« L’âge moyen des personnes infectées y est en effet de 33 ans, contre 65 il y a deux mois », souligne AFP, citant le gouverneur républicain de l’état de Floride, Ron DeSantis. Vendredi dernier, le gouverneur républicain a regretté́ avoir autorisé́ les bars à rouvrir trop tôt. Dans les dernières 24 heures, la Floride a enregistré 10 000 cas de coronavirus, un record. Haïti est averti. Ce cas de figure devrait mettre la puce à l’oreille des autorités haïtiennes qui croient, naïvement, qu’Haïti a déjà évité le pire. La Covid-19 est insaisissable, incontrôlable, même pour les pays les plus puissants. Le Dr William Pape, qui appelle à une « gestion intelligente » dans le cadre de l’ouverture des aéroports sans pourtant donner de précisions sur le mode opératoire de ce concept, en a fait la fâcheuse expérience : ses précédentes prévisions, non-étayées par une méthodologie rigoureuse, se sont révélées, à l’évidence, une pure fantasmagorie.
Le coronavirus a la vie dure. Il l’a prouvé partout ailleurs. Une embellie d’aujourd’hui n’est pas un blanc-seing à l’ouverture des frontières, des économies, le lendemain. Il faut prendre son mal en patience, suivre et bien surveiller l’évolution de la maladie, sa courbe de progression, et, surtout, ne rien précipiter. Même l’Allemagne, réputée jusque-là modèle de référence dans la gestion de cette pandémie, « a ordonné le reconfinement de plus de 600 000 personnes dans deux cantons » après avoir procédé à un déconfinement. « Un scénario similaire se profilait en Guyane française », rapporte mercredi Le Parisien. Il y a eu le même cas de figure à Pékin (Chine), Melbourne (Australie), Leicester (Angleterre) et Lisbonne (Portugal).
« Le pire est à venir »
Face à cette situation, l’OMS a tiré la sonnette d’alarme lundi. « Nous voulons tous que tout cela se termine. Nous voulons tous reprendre nos vies. Mais la dure réalité est que c’est loin d’être fini et que ça s’accélère […] », a expliqué son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Le pire est à venir », a-t-il martelé au cours d’une visioconférence, comme pour dire à demi-mot qu’on est encore en plein cœur de la crise du coronavirus et qu’on n’en sortira pas si vite sans la mise à point et la distribution d’un vaccin officiel partout sur la planète.
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C’est le triste tableau d’un monde qui n’arrive pas à se dépêtrer de la Covid-19. Les autorités haïtiennes ne sauraient nous mentir, pas même sur le tourisme. Car, selon une étude de l’ONU, citée par Le Parisien, le « tourisme mondial est en déclin, accusant une perte de 3 300 milliards de dollars américains ». Autant dire que les touristes ne viendront pas chez nous. Bien avant le coronavirus, Haïti n’était pas sur la carte touristique mondiale. La donne n’a pas changé depuis, les touristes étant même déconseillés par leur gouvernement respectif à s’interdire une escapade au pays de Dessalines.
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