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L’enfermement

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Image: Frantz Rodolphe Laroche

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Frantz Rodolphe Laroche
Master en Droit public, Université Lumière Lyon 2

C’est la première fois que je vis une expérience pareille. Celle-ci recèle son lot de craintes, son lot de doutes et, bien sûr, une certaine indifférence.

Indifférence en ce sens que, de temps en temps, il arrive que je réussisse à m’extraire de l’évènement, à ne plus en être ni l’acteur, ni le spectateur, en utilisant le tapis volant que René Depestre met sous mes pieds pour voyager dans les lignes d’ « Hadriana dans tous mes rêves ».  C’est l’un des romans haïtiens que je trimbale avec moi partout où je passe. Ainsi, même en étant dans un pays lointain, mon tapis volant me ramène vers Haïti, devenant une sorte d’entité détachée du corps et de ses fluides.

Mais de temps en temps, la réalité me rattrape. Les courriels des professeurs, des chargés de travaux dirigés(TD), qui ne chôment pas, viennent me contraindre à remettre les pieds sur terre. De leur domicile étant, ils profitent du service public d’électricité et de leur connexion 4G fonctionnant sans discontinuité pour me bombarder de travaux à rédiger et de notes de cours. Ici, il y a le concept de télétravail en vrai, ce n’est pas du fantasme. Autant dire que je suis dans l’obligation de retrouver mes forces, ma concentration, mon attention et ma créativité dans un contexte d’enfermement où la monotonie tente de prendre le dessus.

D’un autre côté, il y a toutes les consignes des autorités publiques à respecter sous peine d’amende, en cas de balade sans autorisation dans les rues.

Exceptionnellement, dans le pays de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, la liberté d’aller et venir connaît des restrictions, au nom de la défense de l’ordre public. C’est une bonne cause ! En dépit du fait que mon corps lutte pour reprendre ses droits, son empire, je dois me plier en attendant que le mauvais temps passe. Un sentiment d’altruisme me porte à rester chez moi pour protéger les plus fragiles et ceux qui tentent de les soigner, de les sauver des affres de l’ennemi.

Nous sommes nombreux à être contaminés sans le savoir. L’adversaire, invisible, a trouvé refuge au creux de nous, sous la peau et dans la chair. Silencieux, il travaille en souterrain, pourrait surgir et se transmettre à n’importe quel moment. En ces temps irréels, plus que jamais, on a en soi un potentiel de nuisance pour ceux qu’on aime, qu’on connaît ou qu’on ne connaît même pas. Protéger les autres (et se protéger “en même temps”) constitue un défi à relever avec conscience, civisme et solidarité. 

Depuis l’étage de mon appartement où je les admire, les travées, les immeubles, les clochers de Lyon me semblent se détacher les uns des autres dans le bleu du ciel comme des pièces d’un puzzle que l’on aurait renversé. Surgissent ensuite, dans mon imagination, les campagnes verdoyantes d’Haïti, notamment la très hospitalière commune de Paillant dans le département des Nippes, avec son climat, ses bras grand ouverts pour accueillir quelle que soit la personne. Elle ne fait jamais de différence entre ses filles et ses fils et celles et ceux qui y sont venus pour la première fois. Exclure, ce n’est pas un verbe qu’elle conjugue. Elle préfère le verbe tisser pour construire des liens durables entre les natifs et les autres. C’est ainsi que le qualificatif « paillantin » est sur le visage de tous ceux qui ont eu au moins la chance de séjourner dans ce coin paradisiaque d’Haïti Thomas.

J’ai tant parcouru, tant aimé les collines peuplées de sapins de Paillant. Je souhaite que le Covid-19 ne phagocyte pas ce qu’il nous reste en termes d’humanité, de dignité, de solidarité, sinon c’est la fin.


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1 thought on “L’enfermement

  1. Tout CE qui enferme, fermente dixit Michel Quoist. Sur cette base, on a l’impression que ce confirnement nous met dans la realité que bon nombre de Coachs en Developpement Personnel appelent ” Quatre murs” Si hier, ils s’y attardaient en conseillant les gens à sortir des quatre murs pour realiser leurs rêves, en ce temps-ci, c’est le mieux à faire pour que notre oxygène naturel ne nous lâche pas dans une spirale endeuillée. La realité du confirnement tel que vous l’avez decrit à votre manière,nous rappelle qu’au milieu des quatre murs, le Coeur continue de se battre, l’esprit sans arrêt voyage dans l’univers du possible et nous invite à poser une action chaque Jour afin de sortir de la monotomie, et le corps souffre d’une privation qu’il n’aime pas mais pourtant profitable pour sa survie. Merci de nous avoir lancé cette boule d’energies au milieu de cette deshydratation psychique, Mr Laroche, Mon conseiller. @Godson

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