Coronavirus: à quand le confinement en Haïti ?
4 min readPar Juno Jean Baptiste
Twitter: junopappost
Petit à petit, le coronavirus se met à construire son nid en Haïti. Les chiffres officiels, ce lundi, font état de six cas de personnes infectées et de plus d’une centaine de personnes en quarantaine. Ce n’est pas peu. Surtout qu’avec le Covid-19, tout peut aller vite, très vite. Les États-Unis, la France sont en train de vivre la douloureuse expérience. En l’espace d’un mois, ils sont passés de quelques cas isolés à des milliers de personnes malades pour un nombre sans cesse croissant de morts.
Depuis l’annonce des premiers «cas officiels», la machine étatique, ne serait-ce que par l’annonce régulière d’un train de mesures, semble se mettre en branle. Le président de la République, Jovenel Moïse, a décrété l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire national, proclamé la fermeture des écoles et des universités, le respect de la distanciation sociale et interdit tout rassemblement dépassant dix personnes.
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Mais ces annonces ont eu très peu d’écho au sein de la population. Certes les écoles et les universités sont fermées. Quelques entreprises fonctionnent au ralenti. Mais à Port-au-Prince, ce lundi matin, des gens continuent à s’entasser comme des sardines dans les camionnettes bariolées qui nous servent de véhicules de transport en commun. Les petits marchands s’en foutent de la distanciation sociale. «Se coller aux autres n’est pas un problème. Ça dépend de Dieu et non de soi-même. On se fait infecter plus facilement en ayant peur d’une personne malade», lâche à tort Léon, les cheveux gris, détaillant de quelques friperies extraites des poubelles des États-Unis, au marché «Seradòt» de Delmas 19.
«On nous dit de rester chez nous. Mais on ne peut pas parce que la faim risque de nous tuer», enchaîne Léon, le débit lent, côte à côte d’une petite marchande. Celle-ci, les yeux écarquillés, fusille le président de République. «Les prix des marchandises, du sac de riz par exemple, ont grimpé à la suite de ces mesures», dit-elle, montrant du doigt un sac de riz américain ouvert dont le prix a accusé une nette augmentation en l’espace de trois jours. Elle vit de son petit commerce. Au grand dam des faits, elle croit, comme beaucoup d’autres, que le coronavirus n’atteindra pas les Haïtiens.
Une petite virée dans les marchés communaux en Haïti est toujours incroyable de scènes iconoclastes, de bavardages indiscrets et de bien d’autres petites choses. Comme quand ce monsieur, marchand de charbon de bois,se lâche: «La maladie est déjà en Haïti? Combien de personnes en sont déjà mortes? Quels sont ces gens qui l’ont déjà attrapée ?» Il tourne le regard, enfile quelques morceaux de charbons dans un petit sachet et demande à ses pairs de ne pas courir quand des micros leur sont tendus.
Le confinement, panacée du Covid-19
Si ces petites marchandes et petits marchands, vivant au jour le jour au dos d’un État qui les a toujours oubliés, n’en ont que faire du confinement, l’expérience prouve que les pays qui sortent le mieux du coronavirus sont ceux qui imposent le plus tôt que possible les mesures de confinement les plus drastiques à leurs nations. Sinon, une expérience à l’italienne est à craindre. La Chine, en mettant en quarantaine une mégapole de 11 millions habitants (Wuhan) et bien d’autres régions, en bloquant la circulation des gens depuis le début de l’épidémie, sable aujourd’hui le champagne d’une relative victoire sur le Covid-19.
D’autres pays, jadis réticents parce que sensibles à la question de la libre circulation des individus, ont enfin eu recours au confinement pour ralentir la propagation du virus et éviter le pire à des nations entières. C’est le cas de la France notamment. Si la Corée du Sud n’a pas eu recours au confinement, son arsenal technologique lui permet des proueses inaccessibles à de nombreux autres pays, cette exception ne faisant que confirmer la règle. Donc, au delà de la prévention, de l’application des mesures d’hygiène, le confinement, malgré ses imperfections, ses failles, semble être la moins mauvaise des solutions au Covid-19, du moins, jusqu’ici.
On se met soudain à s’imaginer des mesures de confinement en Haïti, le pays au système de santé fébrile, mais aussi le pays comptant dans sa population cinq millions de pauvres dont beaucoup vivent de la débrouille quotidienne. Un difficile choix entre le confinement pour sauver des vies et la survie quotidienne ayant élu domicile dans les rues…
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