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Qui fabriquent les « Palmarès de l’année » de nos médias ?

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Pierre Frédéric Chérestal,
Sociologue

Encore une fois revient cette période de l’année de produire son ou ses bilan (s). Le nouvel an marque la remise à zéro des compteurs. Les médias, eux, concoctent des « palmarès » et « classement » de l’année pour divers domaines, pour catégoriser, récompenser et légitimer.

Médias sociaux et « Palmarès de l’année ».

Outils de transmission et de légitimation, les médias valident les biens et services sur le marché socioculturel. « Si ça passe à la télé », c’est forcément vrai admet (ou mieux, admettait) le sens commun. En ces temps d’hyper-connectivité, le pullulement des médias sociaux tend à remplacer les médias traditionnels (radio, télé, journal, etc.) en Haïti. On recense plus d’une douzaine de médias en ligne, actuellement dans le pays. L’idée des « Palmarès » est de catégoriser et de valider des personnalités, faits ou évènements dans divers domaines de la vie (arts, politique, économie, etc.). Dans le contexte haïtien, on s’adonne à cet exercice depuis des années. Musique, politique, « Jeunes de l’année », presque tout est classé. Et plus le nombre de médias monte en crescendo, plus nous avons de classement/ palmarès. En les lisant, vous devriez particulièrement vous poser ces trois questions :

  • Qui fait le classement ?
  • Quels sont les critères de sélection des nominés ?
  • Qui peut voter ou choisir dans ce classement ?

Souci de légitimer la culture dominante

La production de la culture passe par une interaction évolutive, antagonique et nécessairement coûteuse, entre les catégories/ groupes ou classes sociales. Nos goûts, habitudes, aversions et opinions ne sont autres, pour la plupart, que la reproduction inconsciente des schèmes de pensée retenus lors de nos interactions avec autrui. La consommation de contenus (vidéos, textes, bandes sonores, pratiques, etc.) en provenance des médias joue un rôle crucial dans ce processus de formatage de l’homme/ la femme social (e) et culturel (e) dans la période contemporaine.

Nous n’écoutons pas tous « Ranmase» sur Radio Caraïbes. Nous ne lisons pas tous la rubrique « Opinions » dans les colonnes du Nouvelliste. Nous ne suivons pas tous religieusement « Le Point » sur Métropole. Les médias que nous consommons (validons) font partie de notre éthos et participent à la construction de notre vision du monde. Toutefois, la question demeure « pourquoi suivons-nous le média x à la place de y ? Et au sein même des médias, la question pourrait se décliner aux personnalités, rubriques et émissions.

En constante évolution et en proie à des conflits sociaux, la « culture dominante », culture de la/ des classe (s) dominantes, est sujette à des changements relatifs aux avancées sociales, politiques et économiques, tant au sein qu’à l’extérieur du corps social. Ces « classements » et « palmarès » nous disent ce qui dans notre société est, « permis », « admis » et « aimé ».  

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Je classe, tu classes, nous classons…

Dans l’Haïti contemporaine, l’accès continu à la téléphonie mobile et l’internet a comme corolaire l’augmentation des médias en ligne. La rapide transition vers le numérique entraine la nécessité de produire du contenu, pour un public relativement jeune et peu averti. Plus nous avons de médias, donc plus nous aurons de classements. La pratique augmente en quantité, mais pas forcément en clarté, pertinence ou objectivité. La partie la plus amusante de cette dynamique de « classement » et « palmarès » reste l’accueil et les réactions du grand public. Certaines personnes critiquent le processus, d’autres les choix des nominés ; d’autres encore, la longue liste des fameux « absents ». Les organisateurs doivent, eux, se défendre et réaffirmer leurs « choix ». Un étonnant aller-retour s’établit, alors, entre les médias et le grand public.

Les cas les plus cocasses en 2019 restent des médias que l’on découvre en même temps que leurs « Palmarès de l’année » ; ou les réserves sur la capacité de certains des nominés à réunir dix (10) personnes sous une tonnelle, au Champ-de-Mars.  


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