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Discours du président colombien Gustavo Petro à Jacmel

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Dans un discours puissant, le président colombien, Gustavo Petro, en visite officielle en Haïti, notamment dans la ville de Jacmel – là où Francisco Miranda et Simón Bolívar sont venus, au début du XIXe siècle, chercher du soutien pour amorcer une nouvelle ère de liberté en Amérique du Sud –, a vanté la révolution haïtienne et demandé pardon pour les Colombiens qui ont assassiné le président Jovenel Moïse. «Sans le peuple noir, sans les Mexicains, les États-Unis ne seraient rien», dit-il, comme un petit rappel historique au tout nouveau président américain Donald Trump, ouvertement raciste et xénophobe. Port-au-Prince Post publie in extenso le discours de Gustavo Petro.

Un salut très spécial à mon peuple frère d’Haïti, qui nous accompagne aujourd’hui, et permettez-moi de parler en espagnol. Je peux comprendre et lire le français, mais je ne peux pas le parler, sauf peut-être avec une bouteille de vin à côté, bien sûr.
Monsieur le Président du Conseil de transition d’Haïti, Leslie Voltaire,

Monsieur le Premier ministre de la République d’Haïti Alix Didier Fils Aimé. Monsieur le Conseiller Président Edgar Leblanc, Mesdames et Messieurs les ministres de la République d’Haïti, directrices, ministres et membres de la délégation de la République de Colombie, le groupe folklorique Explosión Cultural, les médias régionaux et internationaux.

Nous nous trouvons exactement là où Francisco Miranda et Simón Bolívar, pleins de rêves et peut-être de peurs, sont partis. Ils ont dormi ici, dans ce village. Ils ont cherché du soutien, l’ont trouvé, puis sont partis à la conquête de la liberté sur notre continent, dans nos terres, nos montagnes, nos plaines, et nos plages magnifiques. Ils ont annoncé au monde que l’heure de la liberté était arrivée, inspirés par vous, le peuple haïtien, qui avez réalisé l’une des révolutions les plus grandes et les plus profondes au monde.

Une révolution qu’on oublie aujourd’hui, qu’on cache. On tente de la masquer, en pensant que les révolutions ont été faites par des Blancs, là-bas à Paris, à Moscou, ou à Washington. Mais l’histoire oublie qu’une révolution noire a levé son drapeau ici pour briser l’une des pires formes d’esclavage. Elle a crié à l’Afrique, à l’Asie, à la Chine, à Cuba, aux Caraïbes, et à toute l’Amérique du Sud, qu’il était temps pour la liberté.

Ce cri, porté par ceux qui étaient enchaînés et qui ont brisé leurs chaînes, a résonné jusqu’à la Colombie, au Venezuela, en Équateur et au Panama. Il a affirmé que personne ne devait être esclave, quelle que soit sa couleur, et que l’humanité ne pouvait exister que si chaque personne était libre.

Il n’y a pas d’humanité sans êtres libres.

L’époque de l’émancipation est arrivée et a touché le cœur du monde. Parfois, je dis que la Colombie est le cœur du monde. Et si ce cœur se remplit de sang, de décadence et de servitude envers l’étranger, le cœur de l’humanité meurt.

Je veux vous remercier d’avoir aidé mon Amérique, ma Colombie, à atteindre la liberté. Vous nous avez même offert notre drapeau. Certains disent qu’il reflète les tons de la peau et des yeux d’une femme blonde. Peut-être est-ce une blague.

Mais non. Notre drapeau ne reflète pas la monarchie. Il a été conçu pour lutter contre elle. C’est pourquoi nous sommes une République. Ce drapeau a été fabriqué par des mains noires, pas par des mains blanches.

Ce drapeau a été conçu ici, inspiré par la révolution haïtienne. Sa couleur bleue et rouge ne représentent pas seulement le ciel ou le sang versé pour la liberté. Ces couleurs symbolisent aussi votre drapeau et votre révolution.

Le rouge et le bleu de votre drapeau ont résonné à travers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, là où des cœurs étaient prêts à se battre et à mourir pour la liberté. Ce cri a traversé le temps.

Mais aujourd’hui, Haïti a été oublié.

Les esclavagistes français ont même demandé des indemnités, comme si un être humain pouvait être une propriété privée. En Colombie, les esclavagistes voulaient aussi que leur perte d’“esclaves” soit indemnisée. Cela a trahi les idéaux de Toussaint Louverture et de Pétion, qui avaient promis de libérer les esclaves.

Et jusqu’à récemment, en Colombie, des descendants d’esclavagistes ont gouverné, croyant à une race supérieure. Ils ont assassiné des centaines de milliers de Colombiens.

Aujourd’hui, dans les centres de pouvoir blanc comme Washington ou New York, nous devons nous rappeler que ces lieux sont aussi façonnés par des luttes noires, des chants de liberté, et des espoirs. Sans le peuple noir, sans les Mexicains, les États-Unis ne seraient rien.

Les peuples latino-américains et caribéens doivent s’unir. Ceux qui nous rejettent finiront seuls, appauvris, en déclin. Nous devons nous aider mutuellement.

À vous, peuple haïtien, je demande pardon pour les Colombiens qui ont tué votre président. Ils ne représentent pas le peuple colombien.

Nous croyons en la vie, pas en la mort.
Merci.


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