Confinement à l’haïtienne !

Semmy Ruben Hypolite, 10 ans
Élève de 5ème AF

Haïti a le grand privilège d’innover dans des domaines pas trop communs. Les amis de papi qui vivent à l’étranger lui ont demandé comment fait-il pour vivre une semaine dans un «peyi lòk» et ont commenté que seuls les Haïtiens peuvent accepter une pareille situation sans mourir.

Après les trois mois «peyi lòk», ma sœur, mon frère et moi nous avons repris la route de l’école avec l’espoir de boucler une année scolaire spéciale. Toutes les activités ont été bloquées et certains camarades sont souvent mis à la porte par l’administration pour n’être pas en règle.

Après le reprise des activités scolaires, nous avons connu une nouvelle forme de confinement avec les activités de kidnapping où personne n’avait été épargnée. Ce fut la peur totale dans les cœurs. Un jour, le bruit courait autour de l’école disant qu’on avait pris deux enfants et j’avais tellement peur que je ne pensais même pas pouvoir rentrer chez moi. J’ai été confiné à l’école dans ma salle de classe.

Pendant que Port-au-Prince est coupé en morceaux et que papi ne pouvait traverser Martissant pour se rendre dans sa ville natale, nous apporter quelques ignames, sous les insistances de l’oncle Philippe, nous voici à une nouvelle phase de confinement imposé non par les politiciens du pays, ni par les bandits.

C’est au cours du mois de janvier 2020 que papi a commencé par nous parler d’un nouveau virus qui brise tout sur son passage, le Covid-19, qui a fait son apparition à Wuhan, en Chine, en décembre 2019. Le 19 mars, papi s’était rendu à la Vallée et au cours de cette semaine, on sensibilisait sur le danger de la pandémie qui a déjà touché la République voisine. Ce soir-là, c’était la panique quand on annonçait la présence du virus dans notre pays.

Depuis ce jour, Covid 19 s’installe sur nos lèvres. Nous ne pouvons aller à l’école, à l’église, etc. Notre rendez-vous avec Samy, notre cousin, pour la pizza a été stoppé. Nous sommes tous à la maison respirant l’odeur de l’eau au chlore, à se laver les mains à chaque instant, à ne plus voir nos amis, à garder nos distances, à ne plus embrasser nos parents.

C’est un temps de tristesse, de pression continue avec les médias qui annoncent chaque jour de nouveaux cas. C’est aussi un temps de découverte. Papi fait des présentations sur Covid 19 pour aider les gens à se protéger. Nous, nous avons profité de ce temps aussi pour lire des histoires, dessiner, regarder des dessins animés, jouer, manger des fruits et des légumes, faire du sport à la maison et inventer des trucs pour le lavage des mains.

Ce mode de confinement est stressant, répugnant, meurtrier, choquant. Il brise nos projets et nos plans, freine notre avenir. Ce confinement est un intrus dans nos vies, un virus criminel qui montre combien nous sommes fragiles. Une grosse grippe qui bloque tout sur son passage.

Port-au-Prince Post

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